Environ 40% des denrées alimentaires consommées en Suisse présentent des traces quantifiables de Glyphosate, un produit chimique qui a été qualifié par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer), un organe de l’OMS (Organisation mondiale de la Santé), de «probablement cancérigène». En Suisse, chaque année, 300 tonnes supplémentaires de cette substance dangereuse sont utilisées comme herbicide en agriculture et dans des jardins. Elles parviennent ainsi dans nos sols, nos cours d’eaux et dans notre nourriture. Et pourtant, ni la Suisse, ni l’Union européenne n’appliquent le principe de précaution.
Depuis de nombreuses années, il est connu que des herbicides peuvent avoir des influences négatives sur notre santé et l’environnement. C’est pour cette raison que l’Office fédéral de l’environnement a interdit, dès 1986, l’utilisation d’herbicides sur les routes, les chemins et les places publiques et à leurs abords. En 2001, cette interdiction a été étendue aux propriétés privées.
L’emploi de Glyphosate dans l’agriculture, par contre, est toléré voire même encouragé. Ayant le souci de préserver la fertilité et l’activité biologique des sols, la Confédération subventionne les techniques culturales sans labour. Ces techniques sont le plus souvent liées à l’utilisation d’herbicides tels que le Glyphosate et l’agriculteur·trice peut dans ce mode de production bénéficier d’un soutien de 250 CHF par hectare. Ce soutien indirect à l’agrochimie, à l’heure où des conséquences néfastes pour notre environnement sont à craindre, est scandaleux.
Glyphosate, plus qu’un herbicide!
Rares sont les personnes qui savent qu’à l’origine le Glyphosate a été conçu pour servir de détergent dans les installations industrielles. C’est en effet en 1964 que la firme américaine Stauffer Chemical Company a obtenu un brevet pour cette molécule chimique considérée comme un puissant chélateur. Un chélateur est le plus souvent une substance organique qui, grâce à deux ou plusieurs électrons libres, est capable de se lier aux métaux (plus précisément aux ions métalliques). Cette propriété explique les cas d’intoxications violentes constatés chez les animaux et les humains: lorsqu’il est épandu sur de vastes territoires, le Glyphosate attire des métaux lourds toxiques (le plomb, le cadmium par exemple) présents dans le sol en les rendant ainsi assimilables par des organismes vivants; de même, une fois qu’il a été introduit dans ces mêmes organismes vivants, il dissout les bons métaux – fer, magnésium, etc. – indispensables à la santé, provoquant ainsi un affaiblissement des défenses immunitaires et des carences qui peuvent être fatales.
De plus, Monsanto a obtenu en 2010 un brevet sur une autre fonction longtemps méconnue du Glyphosate: celle d’antibiotique capable de neutraliser les bactéries – les mauvaises comme les bonnes. Monsanto a alors reçu le brevet pour un médicament préventif contenant du Glyphosate pour traiter la malaria avec la justification selon laquelle le Glyphosate pouvait freiner la croissance de souches parasitaires unicellulaires. L’emploi massif de Glyphosate dans l’agriculture doit de ce fait aussi être examiné de façon critique sous un autre angle, complètement différent: dans quelle mesure contribue-t-il à la diffusion de bactéries résistantes aux antibiotiques? Quelles sont les conséquences de l’ingestion de Glyphosate par la nourriture ou l’eau potable sur la composition des bactéries dans nos intestins?
Une étude sur des vaches laitières a démontré une augmentation de botulisme chronique. Cette maladie est déclenchée par une neurotoxine produite par la bactérie Clostridium botulinum. Le Glyphosate peut dans certaines conditions neutraliser d’autres bactéries (comme Enterococcus faecium ou E. faecalis), qui normalement empêchent le développement de Clostridium.
La multinationale Monsanto a prétendu pendant des années que le Glyphosate se décomposait en peu de temps dans le sol. Cette fausse information a dû être retirée des emballages du Roundup par Monsanto après plusieurs procès perdus par l’entreprise.
Glyphosate, plus que cancérigène
Pour compléter le tableau, il y a de forts soupçons que le Glyphosate puisse provoquer des malformations chez les nouveau-nés. De tels effets tératogènes de la substance ont été prouvés en laboratoire sur des embryons de poules et de grenouilles. Les recherches ont montré que le Glyphosate provoquait un dysfonctionnement de la voie de signalisation de l’acide rétinoïque et dérange ainsi la croissance et les processus de développement. Or, ce mécanisme fondé sur l’acide rétinoïque est le même chez tous les vertébrés, chez les humains aussi. En effet des études épidémiologiques en Argentine ont montré une forte augmentation de cas de malformations à la naissance dans la population qui vit dans les ceintures agricoles où de grandes quantités de Glyphosate sont appliquées sur du soja génétiquement modifié.
Des témoignages poignants
Au cours du Tribunal Monsanto, qui a eu lieu à La Haye (Pays-Bas) en octobre 2016, de nombreuses victimes de l’herbicide, venant du monde entier, ont témoigné des dommages causés à la santé humaine et à l’environnement par le Roundup et son principe actif le Glyphosate. Les paysan·nes, les jardinier·es et les personnes habitant à la campagne sont les plus touchées. Les témoignages venant du Sri Lanka étaient particulièrement impressionnants. Des milliers de personnes meurent dans ce pays des suites de maladies des reins et du foie. Après que de nombreuses preuves scientifiques ont confirmé le lien entre ces maladies et l’épandage de Roundup sur les rizières, le gouvernement du Sri Lanka a réagi en interdisant comme deuxième pays du monde (après le Salvador) le Roundup et d’autres herbicides contenant du Glyphosate sur l’ensemble de son territoire.
Les témoignages des victimes des pesticides de Monsanto étaient si poignants qu’à la suite du Tribunal nous avions demandé au Président de la Confédération d'alors, Johann Schneider-Ammann, d’interdire immédiatement, au nom du principe de précaution, l’utilisation du Roundup et des produits semblables contenant du Glyphosate sur tout le territoire suisse.
Sa réponse fut décevante. Il y affirmait entre autres: «Selon les connaissances actuelles, il n’y a pas de raisons scientifiques de penser que l’usage du Glyphosate dans l’agriculture soit problématique pour la santé». Les lettres envoyées récemment à l’actuelle Présidente de la Confédération, Doris Leuthard, ont reçu une réponse semblable.
Nous ne pouvons pas accepter cette attitude qui fait fi du principe de précaution et qui à terme nous expose à de graves dangers pour notre santé et notre environnement.
Comme les autorités européennes et les autorités suisses n’assument pas leur responsabilité face à la population et l’environnement, c’est en tant que société civile que nous devons nous mobiliser. Dans le canton du Jura, des personnes de tous âges se sont réunies pour créer le groupement «Stop Roundup». Le groupement soutient notamment une initiative cantonale demandant à la Confédération une interdiction du Roundup et d’autres herbicides contenant du Glyphosate. De nombreuses personnes ainsi que des communes jurassiennes se sont engagées et ont signé la «Déclaration de Courtételle» (encadré). Des initiatives parlementaires semblables sont en préparation dans d’autres cantons. La Suisse sera-t-elle le premier pays en Europe à interdire le Glyphosate?
Esther Gerber et Raymond Gétaz Membres du FCE-Suisse
Déclaration de Courtételle «Stop Roundup» pour un environnement et une alimentation saine pour toutes et tous
En tant que citoyen·ne, habitant·e du Jura, mais aussi de ce pays et de cette planète, j’exige des res-ponsables politiques qu’ils appliquent le principe de précaution, sans égards pour les intérêts des grandes multinationales de l’agrochimie et
- qu’ils légifèrent pour préserver la fertilité des sols en interdisant les substances nocives à la santé de la population et dommageables aux générations futures
- qu’en cas de doute sur la nocivité d’un produit, le principe de précaution soit appliqué jusqu’à la preuve de l’innocuité du produit
- que le Roundup et les produits phytosanitaires contenant du Glyphosate soient immédiatement interdits dans les cultures et les espaces publics étant donné que les études faites par le CIRC (Centre International de Recherche sur le Cancer), un organe de l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé), ont qualifié le Glyphosate de probablement cancérigène
- que les autorités soutiennent les paysannes et les paysans pour une transition vers une agriculture plus écologique.