Il s’agit d’un récit écrit par un jeune Camerounais qui a traversé l’Afrique pour accéder au paradis européen où coule le lait et le miel. Il a échoué au Maroc où il vit toujours, sans possibilités d’obtenir un statut légal, de trouver du travail pour vivre dignement ou de traverser la Méditerranée pour accomplir son projet d’émigration. Telle est sa situation au jour d’aujourd’hui.
Il raconte sa propre histoire et des bribes de celles de nombreux autres, rencontrés en route et venant de tous les pays sub-sahariens.
Le récit commence dans son village natal avec l’histoire de ses parents et de sa propre enfance. On y rencontre une société marquée aussi bien par les contradictions entre traditions et valeurs anciennes et la «modernité» sous toutes ses formes, que par celles entre la vie dure rurale et l’envie des jeunes d’accéder au statut de «vacanciers» – ces hommes habillés «à la mode vue à la télé», avec lunettes de soleil et bagnoles rutilantes, distribuant des cadeaux à toute la grande famille lors de leurs vacances au village.
Les raisons qui poussent un grand nombre de jeunes – hommes et femmes – à partir, à devenir «aventuriers» qui défient tous les dangers, y compris de mort, pour aller on ne sait où mais toujours plus loin, sont expliquées simplement, au travers d’histoires individuelles et de dialogues entre les protagonistes. Ils sont nombreux: pour arriver à la Méditerranée, il faut traverser et retraverser bien des frontières, se familiariser avec une multitude de «ghettos d’aventuriers», fréquenter des gares routières et des lieux de rassemblement des plus improbables. A chaque étape, il faut trouver un moyen de transport et ce qu’il faut pour le payer, se confronter à des structures de pouvoir petites et grandes, mener des négociations avec plus ou moins de bonheur. Partout de nouveaux obstacles, partout le hasard, l’imprévu et l’imprévisible...
Fabien ne capitule pas. Finalement il arrive au Maroc. Il tente à plusieurs reprises de franchir les grillages pour pénétrer dans l’enclave espagnole Ceuta, de longer la côte à la nage pour arriver à l’autre enclave espagnole, Melilla, mais sans succès. Il raconte la vie dans la forêt près de Ceuta – parfaitement organisée et hiérarchisée par les vétérans de tentatives ratées, les incursions policières, les trahisons, la résignation...
Il raconte. La grande force de ce récit est que les explications ne sont qu’implicites. Fabien ne justifie rien et ne veut ni peut tout dire – trop de choses sont indicibles. Trafic et business sont l’huile qui lubrifie les rouages. Les «bons» et les «mauvais» sont souvent les mêmes. Fabien ne condamne personne. Le récit n’a pas de happy end et laisse le lecteur dans le désarroi.
Il se peut que Fabien ait été encouragé à écrire ce texte par des amis rencontrés au Maroc. Mais à la grande différence d’autres récits sur le même thème, il ne s’agit pas d’entretiens rédigés par une personne «extérieure» et «objective». On a l’impression qu’en écrivant, il a tenté de trouver un sens à ce qu’il a vécu et continue à vivre.
*de Fabien Didier Yene
Paru aux éditions Séguier, atlantica, Biarritz, 2010-08-22
ISBN 978-2-8404-9599-4, 25 Euros