Je viens de voir la première interview que Maksym* a donnée après sa libération du 18 octobre. C’est en ukrainien bien sûr, donc j’écris ici en quelques phrases l’essentiel de ce qu’il a dit. L’interview a été réalisée par Hromadske Radio, dont Maksym est l’un des fondateurs.
Sur sa santé, il dit qu’en général il a eu de la chance et qu’il se sent bien, d’autant plus que moralement il se sent même excellent. Il a été frappé violemment tout au début de sa captivité et en a gardé quelques séquelles sur lesquelles il va travailler avec les médecins, il se trouve toujours au centre de réhabilitation à Kyiv. Le centre est d’ailleurs super, selon lui.
Il y a un passage assez long sur la captivité et le procès. Il dit que ni lui, ni aucun de ses codé-tenus n’étaient préparés, ni à la captivité (ils pensaient à être blessés ou même tués à la guerre, mais non pas à la captivité), ni à un procès en crimes de guerre. Quand ils ont été faits prisonniers, ils étaient très pessimistes sur ce qui leur arriverait par la suite, torture et/ou assassinat. (Ce qui, en même temps, était et est toujours le cas pour beaucoup d’autres). Au sujet des procès, ceux-ci se font «à la chaîne», genre copier-coller, sans logique apparente. Maksym a été, à sa connaissance, le premier prisonnier de guerre jugé pour crimes de guerre. Il pense que ceci était lié notamment à son passé de défenseur des droits humains. Pendant les interrogatoires, c’était son passé qui intéressait ses interlocuteurs russes plutôt que des histoires liées directement à la guerre ou à l’armée.
Les conditions à la prison dans laquelle il était détenu dès que la procédure pénale contre lui a été ouverte, étaient incomparablement meilleures que dans le camp de détention des prisonniers de guerre. Il était avec des droits communs, faisait en général les mêmes travaux obligatoires, mais les conditions basiques de survie y étaient réunies, ce qui n’est pas le cas très souvent dans les camps des prisonniers de guerre.
Sur l’avenir – Maksym va revenir sans doute à la défense des droits humains. Il voit déjà qu’il y a un travail énorme à faire. Il nomme différents domaines, mais la priorité (ou l’une des priorités) sera le soutien aux prisonnier·es de guerre ainsi qu’aux personnes déplacées, en Ukraine et à l’étranger. Et la liberté d’expression. Il dit qu’il est prêt à retourner se battre au besoin et qu’il réaffirme son choix de 2022, car en cas d’occupation d’une majeure partie de l’Ukraine par les Russes, il n’y aura plus aucun autre moyen d’y défendre les droits humains, il faudra le faire par les armes.
(…) La rencontre avec Zelensky est d’ailleurs tout à fait remarquable. Le président a saisi l’occasion pour rencontrer, pour la première fois depuis le début de la guerre, une vingtaine de représentant·es de la société civile. Il y avait des défenseur/seuses des droits humains, des personnes impliquées dans la lutte anticorruption, des membres des minorités ethniques et des volontaires en soutien de l’armée, tous des gens très bien. Je ne me fais pas d’illusion sur le fait que ceci aura un grand impact sur la politique de l’État, mais le simple fait que cela a eu lieu et que Zelensky s’en soit vanté publiquement, est bon signe. Je ne sais pas encore quand ce sera possible de rencontrer Maksym en personne, mais bientôt j’espère.
Jürgen Kräftner, FCE – Ukraine
- Voir «Ukraine: Maksym Butkevych devant la Cour suprême», de Mediazona, Archipel 325, avril 2024.