Le 21 juin 2022, l’agence de presse publique turque annonçait l’annulation par la Cour Suprême de Turquie du quatrième acquittement de Pinar Selek(1), prononcé le 19 décembre 2014 par le Tribunal criminel d’Istanbul.
Auparavant, Pinar Selek avait effectivement comparu au cours de trois procédures criminelles, qui ont toutes constaté son innocence, au long des 25 années de persécution politico-judiciaire qu’elle continue de subir. Après l’avoir emprisonnée et torturée pour ses recherches sociologiques sur les Kurdes, le pouvoir turc a décidé de faire d’elle une «terroriste» en fabriquant de toutes pièces les éléments voulus pour démontrer contre toute évidence la réalité d’un attentat, alors que tout a établi que l’explosion du Marché aux épices d’Istanbul de 1998 avait été provoquée accidentellement(2).
Six mois après l’annonce par voie de presse de l’annulation de l’acquittement, la décision de la Cour Suprême a enfin été notifiée aux avocat·es de Pinar Selek, le 6 janvier 2023, par la Cour d’Assises d’Istanbul. Ces six mois d’attente insupportable et de nouvelle torture psychologique pour Pinar Selek se soldent par une parodie de justice.
Pinar Selek fait l’objet d’une mesure de mandat d’arrêt international demandant son emprison-nement immédiat. Cette décision est prise par le Tribunal Criminel d’Istanbul avant même que les juges de cette juridiction ne se soient prononcés lors d’une première audience, fixée au 31 mars 2023. De telles mesures, ubuesques du point de vue du droit et particulièrement graves par leurs portées et leurs conséquences sur Pinar Selek, sont prises dans un contexte de restriction des libertés et de multiplication des violences par le pouvoir turc contre l’ensemble des minorités et des op-posant·es politiques, en particulier contre les Kurdes, que ce soit en Turquie ou dans d’autres pays.
Les élections prochaines(3) en Turquie sont propices à toutes les diversions politiques et à toutes les manipulations.
Les collectifs de solidarité avec Pinar Selek refusent que l’écrivaine et sociologue soit une fois de plus l’otage d’une politique inique qui se traduit par une véritable farce judiciaire. Ils refusent également qu’elle soit la victime collatérale de la politique de complaisance des pays européens à l’égard du régime autoritaire et liberticide qui sévit en Turquie.
Ils demandent à tout·es les parlementaires et responsables politiques qui ont témoigné ces derniers mois leur soutien à Pinar Selek, d’agir énergiquement auprès du gouvernement afin qu’il lui apporte concrètement toute la sécurité et la protection que l’État français doit à l’une de ses compatriotes. La nationalité française de Pinar Selek ne suffit pas à la protéger.
Forts du soutien de très nombreuses personnalités de la recherche et du monde intellectuel et de la culture, les collectifs de solidarité avec Pinar Selek renouvellent au Président de la République leur demande de soutien ferme et inconditionnel ainsi qu’une protestation officielle auprès du pouvoir turc. Ils appellent enfin les ami·es de Pinar Selek, les artistes, les universitaires et les militant·es à redoubler d’efforts, à étendre leurs mobilisations en soutien à toutes les victimes du pouvoir turc et à préparer des délégations nombreuses pour se rendre à Istanbul le 31 mars prochain pour exiger la vérité et la justice pour Pinar Selek!
Coordination européenne des collectifs de solidarité avec Pinar Selek
- Voir Archipel 257, «Turquie - Pinar Selek, combattante pour la Justice», Constanze Warta, mars 2017, Archipel 281, «Appel à la solidarité de la Coordination des collectifs de solidarité avec Pinar Selek», mai 2019, Archipel 286, «Kurdistan: le seul espoir…», Pinar Selek, novembre 2019 et Archipel 321, «Turquie - Plusieurs anniversaires, toujours le même film», Pinar Selek, janvier 2023.
- Après plus de deux ans en prison sous la torture pour Pinar, les experts turcs ont conclu que ce n’était pas un explosif, mais une bouteille de gaz défectueuse qui avait provoqué l’explosion au bazar aux épices. Elle a été libérée mais le procès a continué. Elle vit en exil depuis 2009 et a obtenu la nationalité française en octobre 2017.
- La prochaine élection présidentielle en Turquie devrait avoir lieu le 18 juin 2023, en même temps que les élections législatives.