Campagne contre la communauté LGBT

de Jan Opielka, Gliwice, correspondant n-ost, 1 mai 2019, publié à Archipel 281

Aujourd’hui, en Pologne, la peur des réfugié·es ne suffit plus à faire gagner des points en politique – c’est pourquoi le gouvernement polonais, prêt à tout à la veille de l’élection européenne, cible une nouvelle minorité: les homos et lesbiennes et leurs «organisations bolcheviques LGBT». Le pays est en campagne électorale. En mai pour les élections européennes, à l’automne pour le parlement du pays. Le parti national-conservateur au pouvoir «Droit et Justice» (PiS), malgré la bonne situation économique, reçoit un vent violent au visage – les sondages laissent prévoir la victoire des partis d’opposition aux élections européennes fin mai. Après les expériences de 2015, le PiS sait de quelle recette il a besoin pour une victoire électorale: les promesses de réformes nécessaires, de pair avec une polarisation et une certaine idée de l’ennemi. En 2015 c’étaient les réfugié·es syrien·nes que le chef du PiS soupçonnait d’avoir «des parasites dans l’organisme». Le PiS a gagné haut la main.

Choisir son ennemi

Les personnes LGBT sont la nouvelle idée que le gouvernement se fait de l’adversaire. Aujourd’hui le parti cible avec une rhétorique de haine une nouvelle minorité – les personnes LGBT. Pour sa campagne électorale il reprend un vieux modèle avec un nouvel élan, qui vise le secteur de l’éducation. Le maire de Varsovie, Rafal Trzaskowski, de la plateforme citoyenne libérale-conservatrice (PO), l’avait annoncé début mars. D’après les standards de l’Organisation Mondiale de la Santé, la «déclaration LGBT+» a pour but d’aider les jeunes et les enfants des écoles d’Etat de la capitale qui risquent d’être discriminé·es de par leur orientation sexuelle. Et d’assurer une éducation sexuelle moderne, qui n’existe pas jusqu’à présent en Pologne.

Le chef du PiS confond homosexualité et pédophilie

Le chef du PiS Kaczynski a bien saisi l’opportunité. «Nous disons ‚non‘ aux attaques à nos enfants. Nous ne nous laissons pas intimider. Nous défendrons les familles polonaises», a-t-il déclaré à la mi-mars lors d’une convention de son parti national-conservateur. D’autres hommes politiques du PiS répandent la nouvelle ligne d’attaque comme une traînée de poudre. «Ces activistes et organisations (pour les droits des LGBT; ndlr) sont très brutaux, ils emploient des méthodes bolchevistes. Ces gens-là ne sont pas touchés par les critiques, ce sont eux qui commandent», selon le parlementaire européen Ryszard Legutko. Les médias proches du pouvoir se saisissent du thème et le renforcent, confondant trop souvent homosexualité et pédophilie. La fondation «Pro-Prawo do Zycia», également engagée pour une interdiction absolue de l’avortement fulmine avec un tract intitulé «comment arrêter la pédophilie?» contre l’initiative LGBT+ de Varsovie. «La pédophilie et l’homosexualité sont étroitement liées». Et l’initiative «Mouvement du 4 mars» s’est donné comme unique objectif, avec la voix de parents et d’entrepreneurs inquiets, d’empêcher l’initiative LGBT de Varsovie.

La situation des minorités sexuelles s’est aggravée

Les personnes concernées sont consternées et en colère. Car depuis toujours, dans la Pologne imprégnée de conservatisme et de catholicisme, les minorités sexuelles sont en situation difficile. Depuis l’entrée du PiS au gouvernement en 2015, la situation s’est encore aggravée. Des jeunes, surtout, se voient marginalisé·es et victimes de violences physiques. «Nous observons que les paroles comme celles de Kaczynski se répercutent avec violence dans la rue, ou comme cyber-bulling sur internet, selon Magdalena Swider de la fondation «Campagne contre l’homophobie» (KPH). L’activiste a collaboré à une étude qui sort tous les quatre ans. Pour l’année 2015-2016, l’enquête du KPH constate que près de la moitié des mineur·es LGBT+ souffrent de dépression et 70% ont des pensées suicidaires. Depuis son entrée au gouvernement en 2015, le PiS a soigneusement supprimé les termes de «discrimination» et d’»orientation sexuelle» des livres scolaires et des programmes. Selon M. Swider, «cela pourrait aider ces jeunes à se former dans les questions anti-discriminatoires, afin qu’ils puissent gérer leur sexualité». L’association «My Rodzice» (Nous, parents) dont font partie des pères et des mères de jeunes LGBT, a écrit une lettre de protestation au chef du PiS Kaczynski, dont voici un extrait: «L’hypocrisie de l’Etat et de la société légitime l’injustice et la violence. Nous refusons que nos enfants soient traités comme des ennemis de la société». Il est peu probable que de telles protestations fassent dévier le PiS de sa ligne, pour lui il s’agit seulement d’assurer son pouvoir. En outre il souhaite que la coalition de partis de la droite nationaliste qu’il a créée, pour se présenter à l’élection européenne comme «Confédération», ne prenne pas trop d’ampleur.

La majorité est d’accord pour des partenaires d’un même sexe

Cependant des signes positifs émergent de la société polonaise. Ces dernières années on constate que la société accepte peu à peu les gens avec une autre orientation sexuelle. Des sondages montrent qu’entre-temps plus de la moitié des polonais·es sont favorables à la légalisation d’unions de personnes du même sexe. Dans les grandes villes, les manifestations pour l’égalité comptent de plus en plus de participants – malgré ou grâce aux tentatives des autorités de les empêcher. Des personnalités de la vie publique comme Robert Biedron qui fut de 2011 à 2014 le premier député ouvertement homosexuel du pays et de 2014 à 2018 le maire directement choisi de la ville de 100.000 habitants de Slupsk, ont une grande influence dans l’acceptation des LGBT par l’opinion publique. En février de cette année, Biedron a fondé le parti libéral de gauche Wiosna, son compagnon en fait partie. Tous les deux se montrent ensemble au sein de la campagne pour le parti qui défend l’union de personnes d’un même sexe, parti qui pourrait peser dans la balance à l’automne – en faveur de l’opposition. Les partis d’opposition, eux, se positionnent contre la chasse aux LGBT du PiS. La plateforme citoyenne (PO) élue en 2015, qui avait repoussé les améliorations juridiques pour les minorités sexuelles, défend aujourd’hui les LGBT+ – suivant l’initiative de leur homme politique local à Varsovie. Grzegorz Schetyna, chef du PO et leader de la «coalition européenne» qui débute à l’élection européenne – une union de cinq partis y compris le parti de gauche postcommuniste LSD – a déclaré qu’il marcherait en tête de la prochaine marche pour l’égalité. «Aujourd’hui nous sommes avec toutes celles et ceux qui sont attaqué·es par Kaczynski», a-t-il annoncé dans une interview télévisée. C’est aussi un calcul politique, avec le but non officiel de prendre des voix. Mais cela montre que les partis d’opposition les plus importants ne doivent plus craindre de perdre des voix par leur engagement en faveur des LGBT+. Dans la situation présente de l’élection européenne, les partis d’opposition qui sont contre la chasse aux LGBT sont en tête. Le président du PiS a probablement fait de mauvaises estimations.

Jan Opielka Gliwice, correspondant n-ost*

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