FRANCE: Génération identitaire en procès

de Michael Rössler, FCE, 1 oct. 2019, publié à Archipel 285

Le 29 août 2019, le tribunal de Gap condamné deux dirigeants et un ancien dirigeant1 du mouvement d’extrême droite «Génération identitaire» (GI) à six mois de prison ferme. Les condamnés ont été privés de leurs droits civiques pendant cinq ans et le groupe a été condamné à une amende de 75.000 euros2.

Les accusés comparaissaient pour «activités exercées dans des conditions à créer dans l’esprit du public une confusion avec l’exercice d’une fonction publique», en agissant de la même manière que les acteurs étatiques (en particulier les policiers des frontières). Les événements remontent au 21 avril 2018. A l’époque, une centaine de militant·es du mouvement «Génération identitaire» de divers pays européens avaient organisé une fermeture symbolique de la frontière au col de l’Echelle, dans les Alpes franco-italiennes. Au cours du procès, la juge a noté que leurs doudounes bleues ressemblaient étrangement à celles des gardes-frontières.

Main dans la main avec la police

Quelques semaines après cette action, des militant·es identitaires étaient encore présent·es dans la région pour effectuer des «patrouilles», selon leurs propres déclarations, «pour empêcher les migrants illégaux d’entrer en France» et «pour enquêter sur les réseaux des passeurs d’extrême gauche». Selon l’initiative «Tous Migrants» de Briançon, des personnes qui soutiennent les réfugié·es ont été menacées et harcelées par eux. «Tous Migrants» a recueilli des déclarations de migrant·es qui confirment avoir été arrêté·es par des identitaires et remis·es à la police des frontières. Cette coopération était devenue un secret de polichinelle dans la région. Néanmoins, il semblait plus urgent à l’époque que le même tribunal, qui condamne aujourd’hui les extrémistes de droite, traduise en justice les participant·es d’une manifestation antifasciste. Ce rassemblement avait eu lieu un jour plus tard en réaction à l’action des identitaires. Puis, en décembre 2018, sept participant·es à cette marche transfrontalière, surnomé·es les «7 de Briançon», ont été condamné·es sans aucune preuve valable «pour aide à l’entrée illégale d’étrangers»2.

Une banalisation dangereuse

Il a fallu de sérieuses protestations avant que le ministère public de Gap n’intervienne également dans le cas des identitaires. Après tout, le jugement actuel montre que les extrémistes de droite ne peuvent plus agir en toute impunité, comme cela a été le cas jusqu’ici. Les autorités et une grande partie des médias ont jusqu’à présent minimisé le caractère dangereux de ce réseau international. Mais depuis que l’on sait que Brenton Tarrant, l’assassin de Christchurch en Nouvelle-Zélande, qui avait ouvert le feu sur deux mosquées le 15 mars dernier et tué 51 personnes, était l’un des sympathisants de «Génération identitaire», le vent commence à tourner. Ce dernier avait versé des dons, évalués entre 1000 et 1500 euros, à GI et aux identitaires autrichiens.

Martin Sellner, le chef des identitaires autrichiens, a fait l’objet de perquisitions pour ses liens présumés avec Brenton Tarrant. La justice autrichienne s’intéresse aussi à l’américaine Brittany Pettibone, la fiancée de Martin Sellner, pour ses échanges avec l’australien Blair Cotrell, co-fondateur d’un groupuscule suprémaciste violent, la Lads Society. Il est soupçonné d’être un proche de Brenton Tarrant. Et où avons-nous vu les deux compères pour la dernière fois? Ils avaient joué – avec les Français, qui ont été condamnés – dans leur doudoune bleue à la police des frontières: le 21 avril 2018 au Col de l’Echelle.

Sources: «Génération Identitaire, proche des suprémacistes, en procès dans les Alpes», Pierre Isnard Dupuy, Collectif Presse Papiers (www.presse-papiers.org), juillet 2019

  1. Clément Gandelin alias «Clément Galant», Président de GI, a été le seul à comparaître au procès à Gap le 11 juillet 2019, ses coaccusés, Romain Espino, porte-parole de GI, et Damien Lefèvre alias «Damien Rieu», quant à lui attaché parlementaire auprès de Gilbert Collard, député du Rassemblement National (RN), du parti de Marine Le Pen, étaient absents.
  2. Les condamnés sont censés faire appel.
  3. Pour le déroulement du procès contre les «7 de Briançon», voir Archipel de décembre 2018 et janvier 2019. Les «7 de Briançon» ont reçu le «Prix suisse de droits humains Alpes Ouvertes» 2019, voir Archipel 282, juin 2019.