L’application des directives européennes sur les variétés de conservation privatise des variétés jusque-là libres d’accès. La fin des bourses de semence en Autriche?
En juin 2008, la commission européenne émettait la directive 2008/62/EG qui réglemente l’enregistrement des variétés de pays, rares et anciennes, menacées d’érosion génétique, non encore enregistrées, ainsi que la mise en circulation de ces variétés.Plus récemment, le ministère autrichien du Vivant a présenté les décrets d’application de cette directive lors d’une réunion d’information à laquelle ont assisté, indignés, les parrains et marraines conservateurs de variétés anciennes et menacées: «C’est bien pire que ce que nous craignions», selon Florian Walter, paysan de montagne à Pöls et parrain de nombreuses variétés. «C’est la fin des bourses d’échanges tant appréciées! Ces réglementations remettent en question le réseau de parrains et marraines qui s’est constitué petit à petit en Autriche.»
Jusqu’à présent, on pouvait librement cultiver ces variétés de conservation, ainsi que les multiplier et les diffuser. Avec l’entrée en vigueur des décrets d’application, ces variétés peuvent être autorisées selon une procédure d’inscription simplifiée et moins chère. Jusqu’alors cette possibilité n’existait pas. Mais dès qu’une variété est autorisée en tant que variété de conservation, seul le détenteur de l’autorisation est habilité à multiplier et vendre cette variété. Celle-ci, jusque-là accessible à tous, est donc privatisée.
C’est précisément ce point qui a provoqué l’exaspération des parrains et des marraines: «Ces variétés traditionnelles et rares ont été depuis des années multipliées, conservées et sélectionnées par de nombreux paysans et jardiniers. Maintenant, il semblerait que nous n’ayons plus le droit de les vendre, ni même de les échanger! Si nos variétés choyées et appréciées sont privatisées, et donc interdites de diffusion, nous, parrains, sommes condamnés à vivre dans l’incertitude. Qui va encore se donner la peine de conserver des variétés et de les développer?», s’interroge Walter.
Actuellement, 70 variétés de légumes sont en cours d’autorisation en Autriche, dont des variétés connues et fort appréciées comme les tomates Green Zebra et Auriga, ou le poivron Roter Augsburger. Dans l’Union Européenne, on compte déjà cent variétés autorisées. Dès qu’un pays membre de l’UE reconnaît que telle région est le berceau d’une variété donnée, celle-ci devra être cultivée exclusivement dans cette zone-là. Cet état de choses laisse présager de futurs conflits. S’ajoutent à cela de sévères limitations de quantités.
«La Commission Européenne a prétendu que cette directive est destinée à faciliter la conservation et le développement des variétés rares et traditionnelles. C’est le contraire qui se passe! Cette directive, et spécialement les décrets d’application autrichiens, anéantissent le travail des parrains et marraines. Dans le traité international de l’ONU sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture (ITPGR-FA) est inscrit le droit paysan d’échanger, de diffuser et de vendre des semences à partir de sa récolte. Ce traité a été signé par l’UE et tous les pays membres. Ce droit est violé par cette directive sur les variétés de conservation», commente, en colère, Heike Schiebeck, membre de la direction ÖBV-Via Campesina Austria, l’association des petits paysans de montagne autrichiens.
L’application de cette directive légalise la biopiraterie: des variétés de plantes sélectionnées pendant des siècles par de nombreuses générations de paysans et de paysannes sont en passe de devenir la propriété unique et exclusive du premier à inscrire la variété. Des variétés rares, appelées cyniquement «variétés d’amateurs sans utilité économique» sont menacées d’extinction par la cherté des procédures d’autorisation et les réglementations de cultures restrictives. Dans le pire des cas, des douzaines, voire des centaines de variétés traditionnelles vont être éradiquées en quelques années par la bureaucratie agricole de l’Europe.
Le réseau des parrains et des marraines, l’ÖBV-Via Campesina Austria, et les paysannes et paysans du Parti des Verts, appellent les responsables politiques autrichiens à réétudier les décrets d’application de la réglementation sur les variétés de conservation. Plus spécialement les décrets qui régulent la vente, la diffusion et l’échange de variétés doivent être modifiés de façon à ne pas entraver le travail des parrains et marraines.
Pour tous renseignements: Heike.Schiebeck@gmx.at
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