Le 21 octobre dernier, le peuple suisse renouvelait son Parlement fédéral. C’est le parti de Christoph Blocher, l’Union Démocratique du Centre (UDC), pas plus démocratique que centriste, qui est sorti grand vainqueur de ce scrutin, après une campagne électorale qui s’était signalée par une dureté sans précédent en Suisse.
Je fais partie des gens qui ont cru que trop c’est trop. Que Madame et Monsieur Suisse n’aiment pas l’exagération. Qu’ici, on n’aime pas les extrêmes. Que la place financière Suisse requiert le calme pour bien tourner. Mais non, erreur! L’égoïsme et la xénophobie comme programme politique ont payé. La campagne électorale était une honte et les résultats une grosse gifle! Avec les résultats de ce scrutin, ce sont les plus faibles de la société qui payeront le prix de cette débâcle et seront les victimes d’une politique néolibérale de démantèlement social renforcée: les étrangères et étrangers, les invalides, les personnes âgées et les jeunes.Ma première colère va aux 50% d’abstentionnistes qui se moquent d’être représenté-e-s par la gauche, la droite ou l’extrême droite. Cette moitié silencieuse soutient indirectement les gagnants et cimente le plébiscite pour Blocher. Bravo! Ensuite, un tiers de l’électorat (29%) a élu l’UDC en position de parti le plus fort du pays. De nombreux sondages prédisaient que ce parti avait atteint le sommet de son succès dans ses bases traditionnelles telles que Zurich, Berne et Argovie. Erreur! En Argovie, l’UDC arrive à 36%, à Zürich à 34%, en Thurgovie à 42% et à Schwyz même à 45%. Et celles et ceux qui voyaient dans ces positions isolationnistes et réactionnaires avant tout un problème suisse-alémanique ont aussi dû réviser leur théorie: à Genève et dans le canton de Vaud, l’UDC est également arrivé en tête.Dans la «Genève internationale», les nationalistes bruyants peuvent ainsi prétendre représenter la population. Même le Jura, autrefois considéré comme un canton un peu rebelle, envoie un représentant de ce parti à Berne – la honte quoi! Le fait qu’un bon nombre d’élus UDC n’ait pu prendre leur abonnement pour Berne grâce à des accords électoraux avec la droite traditionnelle du PRD (Parti Radical-Démocratique) n’est pas plus consolant que le fait que 71% des votants n’aient pas voté UDC.L’UDC est le seul parti ayant atteint son objectif initial, c’est-à-dire gagner 100.000 nouveaux électrices et électeurs. Le parti des Verts y est presque parvenu en frôlant la barre des 10%. Toutefois, c’est une réussite relative puisque leur succès s’est fait surtout au détriment de leurs partenaires du PS qui a pris une claque historique, tout particulièrement dans les villes suisses-allemandes où il a perdu plusieurs sièges. Le retrait rapide du président parle en faveur de son intégrité. Les camarades vont devoir sérieusement réviser leur copie.Au cours des dernières années, le PS s’est tourné vers la classe moyenne tant et si bien que l’électorat dit populaire, sa base traditionnelle, s’est tourné soit vers l’UDC soit vers l’absentéisme. Des enquêtes ont démontré que ce dernier a séduit surtout des retraité-e-s, des personnes sans emploi ou avec peu de formation, des salarié-e-s gagnant moins de 3000 francs par mois (2000 euros) et originaires de régions rurales. Pour les personnes qu’une vision équilibrée rassure, on peut dire que les rapports de forces globaux entre la gauche et la droite du Parlement fédéral n’ont guère changé. Les Roses/Verts comptent 63 sièges au Conseil national, le PDC (Parti Démocrate Chrétien) et le PRD, 62 à eux deux et l’UDC autant à elle seule.Pour expliquer la répugnance qu’inspire ce résultat, il faut revenir sur la campagne électorale. Le 1er août dernier, date de la Fête nationale, l’UDC a envoyé un courrier à tous les ménages de Suisse pour lancer son initiative populaire «Pour le renvoi des étrangers criminels», déclenchant parallèlement une énorme campagne d’affichage, sous le slogan «Pour plus de sécurité». L’affiche montre trois moutons blancs sur fond de drapeau suisse, boutant un mouton noir hors du territoire national. Peu après, l’affiche fut reprise par le parti néonazi allemand NPD, ce qui n’empêcha pas l’UDC de nier toute volonté d’allusion raciste.S’ensuivit une campagne publicitaire massive et nauséabonde dans tous les quotidiens du pays. Aucun grand journal, hormis «Le Courrier» et la «Wochenzeitung» n’osa refuser cette publicité si bien payée. Le journal britannique «The Independent» commentait cette campagne dans son édition du 7 septembre 2007 sous le titre «La Suisse: le cœur sombre de l’Europe?». L’argent investi dans la propagande – les estimations vont de 15 à 100 millions de francs suisses – a largement contribué à adoucir la position des éditeurs et des rédactions envers les provocations racistes de l’UDC. C’est si simple dans «le cœur sombre» de l’Occident libre. On ne peut certes pas encore acheter la vérité, mais quelques millions peuvent y contribuer.
Les tentatives du PS de contrer cette campagne en proclamant qu’il ne fallait pas réélire Blocher au Conseil fédéral1 n’ont réussi qu’à pousser l’UDC à transformer les élections en plébiscite pour ou contre leur «Duce». Pourtant, le PS n’est pas très crédible en contestant la participation de Blocher au gouvernement puisqu’ils gouvernent ensemble depuis plusieurs années. Sans doute, serait-il plus judicieux qu’il forme un gouvernement avec les Verts, le PDC et le PRD ou qu’il quitte ce fumoir bien chauffé.
Le 6 octobre, la manifestation du «Mouton noir» à Berne2 a tenté de mobiliser contre cette démagogie. Le but était de contrer le cortège prévu par l’UDC qui devait mener du bas de la vieille ville jusqu’au plein centre. Les autorités Rose/Vert de la ville refusaient d’octroyer une autorisation de manifester au «Mouton noir», mais la police tolérerait une fête tant que celle-ci restait paisible. Ce qui fut le cas. Cinq mille personnes y ont afflué mais les journaux n’ont pas accordé plus de 5 lignes à cet événement! Par contre, nos adversaires n’ont guère mobilisé beaucoup plus de la moitié des 10.000 personnes prévues. Des blocages non-violents jusqu’à l’intervention policière, ont empêché l’accès au centre ville du cortège de l’UDC qui a dû faire demi-tour et tenir son meeting à la fosse aux ours, une option anticipée par la police et les organisateurs. Leurs cris indignés contre ces «gauchistes qui empêchent l’exercice du droit fondamental de manifester» sonne creux de la part d’un parti dont les membres, et mêmes les responsables politiques, se moquent régulièrement de l’Etat de droit.
Les soi-disant émeutes en marge de la fête ont été moins importantes que ce que les médias ont reflété. Les titres de la presse internationale étaient bien plus fidèles à la réalité. Les images de destructions sur la Place fédérale ont par la suite sans doute contribué à mobiliser plus de sympathisants pour l’UDC et donc le résultat était en partie contre-productif. Mais en même temps, c’était la première fois que Blocher et son équipe, y compris les skinheads présents dans le cortège, étaient obligés de faire demi-tour. C’était un rare succès: des milliers de gens comme vous et moi en ont ressenti une joie intense. La situation classique de l’opposition ressemblant à un lapin tétanisé face au serpent, a été pour une fois retournée!
- Le 12 décembre, le nouveau Parlement devra élire les sept membres du Conseil fédéral
- www.le-mouton-noir.ch
Ne nous laissons pas monter les uns contre les autres!
«Le sentiment de solidarité est le trait prédominant de la vie de tous les animaux qui vivent en société.» (Pierre Kropotkine)
Un membre de la Coopérative Européenne Longo maï avait, il y a quelques mois, créé des T-shirts pour les bergers. Le logo, qui semblait une bonne réponse à la campagne de l’UDC, a été reproduit dans le journal de Longo maï, puis sous forme d’annonce dans «le Courrier» et la «Wochenzeitung», et enfin sur des badges que vous pouvez commander (2 CHF) auprès de:
Coopérative Longo maï, CH-2863 Undervelier
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