Cela fait 30 ans, et il semble que c’était hier que la colonisation silencieuse des Balkans a commencé avec l’exploration du terrain par diverses sociétés étrangères qui nous avaient assuré que nous vivrions comme des Arabes après qu’une société américaine ait trouvé de grandes réserves de pétrole sur le terri-toire de l’Herzégovine, et que ce serait le début d’un âge d’or dans les Balkans, comme ils disaient, et nous n’étions même pas conscient·es que c’était la première phase et la préparation de la colonisation de l’ensemble des Balkans.
Misérables, paralysé·es et pauvres après une terrible guerre, nous étions des proies faciles pour diverses manipulations de l’Est et de l’Ouest, qui nous promettaient une renaissance de nos pays et, bien sûr, qu’un âge d’or et une vie confortable nous attendaient.
Dans les Balkans, 50 % de la population est analphabète et, après les horreurs de la guerre, 20 à 30 % de la population a commencé à manifester un trouble de stress post-traumatique, qui continue à se manifester 20 à 25 ans plus tard.
La structure pittoresque de la population des Balkans a inspiré diverses entreprises de l’Est comme de l’Ouest, qui avaient besoin de personnes issues du milieu politique pour se lancer enfin dans l’exploitation totale des matières premières stratégiques, comme nous les appelons aujourd’hui. La géopolitique de ces matières premières a porté un coup dur à la région des Balkans.
Chaque fois que l’on parle de pétrole, la plupart des gens considèrent cette matière première comme un facteur de génération d’énormes revenus, mais aussi comme la cause de nombreux conflits.
D’où vient le lien entre géopolitique et matières premières stratégiques au 21e siècle? N’est-il pas le siècle du libre-échange et des lois du marché? Dans le cas des matières premières stratégiques, les principes du libre marché ne sont pas fondamentaux mais secondaires. Ceux qui ont créé le marché libre croient que celui-ci n’est libre qu’à l’intérieur de leurs frontières, tandis que d’autres, guidés par une économie dirigée, croient que le marché libre doit être libre sur le territoire situé au-delà de leurs frontières. Nous sommes confronté·es à deux paradoxes complets, au centre desquels se trouve la matière première stratégique la plus célèbre du 21e siècle: le lithium.
La géopolitique est la manifestation de la force dans les relations internationales, et les matières premières peuvent être une «arme» dans les conflits interétatiques. Combien de fois le prix et l’offre de pétrole ont-ils été déterminés par des objectifs politiques? Le lithium, en tant que métal le plus léger, a une importance stratégique car il représente le centre de l’économie; tout le monde n’a pas de lithium, mais tout le monde en a besoin. Tôt ou tard, tout le monde utilisera des voitures électriques, tandis que seul·es quelques-un·es produiront du lithium, des batteries électriques et des voitures. C’est pour cette raison que l’Union européenne rapatrie les activités minières en Europe à travers 14 projets miniers et implante plus de 20 usines de traitement du lithium sur un territoire exempt de risques géopolitiques.
Rien qu’en Serbie, il y aurait 20 à 30 sites d’exploitation du lithium, ce qui entraînerait une catastrophe écologique de grande ampleur et la destruction totale de toute une région, non seulement en Serbie, les conséquences se feraient également sentir sur le territoire de la Bosnie-Herzégovine. Les matières premières stratégiques sont devenues en grande partie un terrain d’entraînement à la confrontation mondiale. Par exemple, en 2010, la Commission européenne a publié une liste de 14 matières premières stratégiques, alors qu’aujourd’hui, cette liste en compte 35. Les matières premières sont dites stratégiques parce qu’un petit nombre de pays en possèdent des quantités importantes, que la méthode de leur exploitation est compliquée et, troisièmement, qu’il n’existe pas de substitut facile. La Commission européenne prévoit que les besoins en lithium augmenteront de 12 fois d’ici 2030 et jusqu’à 57 fois d’ici 2050.
Ce sujet qui n’est controversé nulle part en Europe est devenu le problème numéro un en Serbie. Alors qu’aucun pays européen ne renonce à son lithium, mais cherche plutôt une solution pour exploiter cette matière première de manière écologiquement et techniquement acceptable, une campagne anti-lithium est menée en Serbie. Les plus hauts représentants de l’État serbe ont averti qu’une opération de renseignement était en cours visant à paralyser l’économie serbe. La question de la préoccupation pour la vie humaine et l’environnement est devenue un vecteur de sabotage économique de la Serbie, selon le président de la Serbie qui navigue toujours entre les intérêts de l’Ouest et de l’Est, tout en ignorant les intérêts de son propre peuple.
L’État serbe a signé un accord avec la Commission européenne sur un partenariat stratégique qui inclut l’exploitation du lithium, un sujet brûlant en Serbie. Cependant, il n’y a eu aucune communication à propos de cet événement.
Les militant·es exigent que le Parlement européen et les ministres de l’Industrie des États membres rejettent la loi sur les matières premières critiques car, comme iels l’affirment, elle viole les droits humains et environnementaux fondamentaux et «se concentre sur l’exploitation minière à grande échelle plutôt que sur des solutions basées sur la santé de tous les êtres vivants».
La pétition a été envoyée à la présidente du Parlement européen, Roberta Mezzoli, aux membres du Parlement européen, aux ministres et aux représentant·es de l’industrie, à la Commission européenne et au Conseil de l’UE, et comme je l’ai appris, cette pétition est internationale, de l’Espagne, du Portugal, du Chili aux États des Balkans.
En raison de la corruption étatique permanente, des étudiant·es, des agriculteur/trices et des retraité·es ont organisé des événements dans toutes les grandes villes de Serbie, le premier rayon de soleil dans les Balkans obscurs.
J’ai écrit ces quelques mots, emporté par ces événements inspirants en Serbie.
Salutations à vous.
Huso*
- Originaire de Bosnie, vit actuellement en Suisse