SUISSE: 20 ans d'asile ecclésiastique pour les sans-papiers

de Michael Rössler, 28 oct. 2021, publié à Archipel 307

Après que les premiers étranger·es sans papiers sont sorti·es de l’ombre en Suisse romande*, Berne et Bâle ont suivi en Suisse alémanique. Le 21 octobre 2001, des sans-papiers occupaient l’église de St-Anton à Bâle avec des militant·es muni·es de papiers.

D’autres initiatives ont suivi dans d’autres villes suisses, afin que l’on ne puisse plus taire le fait que des milliers de personnes vivent et travaillent en Suisse alors qu’elles ont perdu leur statut de résident·e ou ne l’ont jamais obtenu. Ces personnes font en grande partie un travail qu’aucune personne suisse ne ferait plus, et sont souvent victimes d’exploitation. Komi Aimé Ofounou du Togo, qui était dans le refuge de l’église de St-Anton à l’époque, se souvient: «Au début, nous étions 15 à 20 sans-papiers dans l’église. Du Kosovo, du Chili et de la Bolivie, de la Syrie, de la Turquie et du Kurdistan. Plus tard, d’autres personnes nous ont rejoint·es. Il y avait aussi beaucoup de personnes locales vivant avec nous pour notre protection. Il y avait aussi beaucoup d’ancien·nes qui restaient avec nous pendant la journée par solidarité.»

XY (qui ne souhaite pas être identifié), originaire de Bulgarie et employé comme ouvrier agricole, parle également de cette période: «La chose la plus importante pour moi a été d’apprendre que je n’étais pas seul. Il y avait tellement de gens dans la même situation illégale. Ensemble, nous avons pu réfléchir à la manière dont nous voulions procéder et nous avons trouvé beaucoup de soutien. J’ai également vécu cette grande solidarité de manière très personnelle. Une femme très gentille a acheté des médicaments pour moi. Bien que j’avais eu une hernie, j’ai travaillé pour un agriculteur pendant des années et je n’étais pas autorisé à voir un médecin. Aussi souvent que je le pouvais, je venais à l’église St-Anton de Bâle et aux manifestations. Je me suis senti bien dans cette atmosphère conviviale.»

Des moments inoubliables

Jaqueline Estrada, d’Equateur, a été l’une des premières sans-papiers à sortir de l’ombre et à assister aux réunions des militant·es bâlois·es où des actions communes étaient planifiées. Puis son mari Julio a suivi. Illes ont ensuite emménagé dans l’église avec leurs quatre enfants. Les filles Liliana et Cristina racontent: «Un jour, une femme nous a apporté des jouets. J’ai été étonnée que des inconnu·es puissent être aussi généreux et partager quelque chose avec des personnes qu’illes ne connaissent même pas. Cette petite expérience m’a façonnée pour toute ma vie: tous les gens ont un bon côté. Je l’ai également ressenti dans les réunions qui avaient lieu régulièrement et que nous écoutions de loin. Nous avions appris dès notre plus jeune âge à nous méfier et heureu-sement, grâce à cette solidarité, nous avons retrouvé la confiance.»

L’asile ecclésiastique de Bâle est également inoubliable pour de nombreux soutiens suisses. Daisy Reck en est représentative: «Pour moi, qui à l’époque faisais le deuil de mon défunt mari et cherchais un nouveau but dans la vie, la rencontre avec les sans-papiers m’a permis de recevoir un grand cadeau: un membre du groupe a gagné ma confiance, j’ai pu entrer en contact avec sa famille restée au pays, j’ai pu aider à les faire venir en Suisse, j’ai pu faciliter leur rapprochement avec notre pays et j’ai enfin pu les aider à obtenir notre citoyenneté. Aujourd’hui, je suis une partie naturelle de cette famille et j’ai ainsi acquis un sentiment de sécurité et de tendresse qui est important dans la vieillesse.»

Après des mois ou des années de va-et-vient éprouvant avec les autorités, tou·tes les sans-papiers qui s’étaient battu·es pour leurs droits dans le refuge de Bâle ont été progressivement légalisé·es. Mais malheureusement, même après 20 ans, nous sommes encore loin d’une régulari-sation collective des sans-papiers en Suisse. Il y a encore beaucoup à faire!

Mais au moins beaucoup de nouvelles relations et de nouveaux réseaux ont émergé de l’asile ecclésiastique de St. Anton, y compris le bureau d’accueil des sans-papiers à Bâle puis ailleurs, ainsi que l’Union des ouvrier·es sans statut régulier.

Michael Rössler, membre du FCE et du Cercle d’amis de la famille Estrada

Source: «Stimme der Sans-Papiers» à l’occasion du 20e anniversaire de l’occupation de l’église de Bâle, nO 53, mai 2021, à commander auprès de: Anlaufstelle für Sans-Papiers Basel, Gewerkschaftshaus, Rebgasse 1, CH-4058 Basel, basel@sans-papiers.ch, 00 41 61 681 56 10.

Die «Stimme der Sans-Papiers» peut également être consultée à l’adresse suivante: <www.sans-papiers.ch>.

  • A partir d’avril 2001: église asile de Bellevaux à Lausanne, à partir de juin 2001: St-Paul à Fribourg,