Le Conseil national suisse demande l’arrêt des importations de denrées alimentaires produites dans des conditions inacceptables. Le 13 décembre 2010, les Conseillères et Conseillers nationaux ont accepté par 85 contre 76 voix, contre l’avis du Conseil fédéral et celui de la commission de l’économie, les initiatives cantonales des cinq cantons romands
Celles-ci invitaient les autorités fédérales:
à s’engager dans les négociations avec l’OMC et l’UE pour que soient instaurées des conditions de travail justes et que soient mises en place des méthodes de production durables pour tous les produits importés en Suisse;
à s’engager pour que toutes les denrées importées en Suisse présentent une déclaration concernant les conditions sociales et la durabilité de leur production;
- à s’engager pour que les denrées alimentaires produites dans des conditions sociales qui sont en contradiction flagrante avec les normes de notre pays soient interdites d’importation en Suisse.
C’est à la surprise générale que le Conseil national a voté les revendications des parlements cantonaux. Une décision qui est certainement due en partie aux nombreuses actions de protestation de personnes et d’organisations qui s’engagent pour une production alimentaire sociale et écologique. Leurs efforts ont été récompensés. Un grand merci à tous ceux qui ont participé aux divers appels du Forum Civique Européen.
Ce bon résultat reflète, d’autre part, la méfiance grandissante d’une grande partie de la population face à l’industrialisation croissante de la production alimentaire et de toutes ses conséquences: la disparition de l’agriculture paysanne et de l’approvisionnement de proximité, leur remplacement par des monocultures et des fabriques d’animaux faisant appel à de la main-d’œuvre bon marché (esclavage moderne), les scandales alimentaires qui se multiplient, la contamination par des pesticides du sol, de l’air et de l’eau, la destruction de la diversité animale et végétale, etc. A cela s’ajoute le culot des grands distributeurs qui, dans leur propagande, nous font miroiter une production alimentaire bioécologique, proche de la nature et socialement correcte, mais, en réalité, encouragent par leur politique de prix les profonds et désastreux changements actuels dans l’agriculture.
Depuis plus de 10 ans, le FCE et d’autres organisations demandent aux grands distributeurs de mener une politique d’achats responsable du point de vue social et écologique. Malgré cela, peu de choses ont changé. Les initiatives cantonales ouvrent la voie pour influer sur les importations par des moyens politiques. Leur acceptation par le Conseil national est un beau succès, même si la décision n’est pas encore définitive: maintenant, le dossier retourne au Conseil aux Etats qui devra une nouvelle fois voter sur ces initiatives qu’il avait refusées en juin dernier. Notre mobilisation doit donc continuer et nous devons saisir toutes les occasions pour informer sur ces initiatives cantonales et pour prendre contact avec les Conseillers aux Etats que nous connaissons. D’avance, nous vous remercions de votre participation.
Rétrospective sur l’année 2010
Les grands distributeurs étant peu soucieux d’une production alimentaire sociale et écologique, en janvier, des consommateurs protestaient devant des succursales de grands distributeurs contre la vente de mandarines de Rosarno. A peine 10 jours après les exactions racistes contre les ouvriers immigrés africains, certains supermarchés (par exemple Coop) offraient toujours des mandarines «bon marché» de Rosarno, tout en ayant publiquement affirmé le contraire.
En février avaient lieu les commémorations du pogrom d’El Ejido contre les ouvriers agricoles marocains d’il y a dix ans. Mais dans les étals des supermarchés, nous pouvons trouver aujourd’hui des légumes bio certifiés «bourgeon» d’Almeria, qui n’ont certainement rien à voir avec une production durable. Les conditions sociales pour les immigrés sous la mer de plastique sont inhumaines et la pression sur leurs conditions de travail est immense. Les ouvriers agricoles des entreprises «bio» à Almeria sont assujettis à ces mêmes pressions, que les conditions de travail dans les diverses exploitations soient un peu meilleures ou tout aussi mauvaises.
En avril, des actions conjointes dans 10 villes de Suisse romande protestaient contre la commercialisation de «fraises et légumes de misère». De nombreuses associations ont participé à ces actions, dont la Fédération Romande des Consommateurs, le syndicat paysan Uniterre, Bio Suisse, la coopérative Longo maï, Unia et le FCE.
En août, les chimistes cantonaux suisses ont pour la première fois contrôlé dans tout le pays, les indications de provenance des fruits et légumes pour la vente au détail. Ils ont réprimandé deux magasins sur trois pour déclarations manquantes, insuffisantes ou fausses. Ils avaient testé entre autres 100 succursales de Migros et de Coop, ainsi que des supermarchés Denner, Aldi, Volg, Spar et Manor. Les produits mis en cause concernaient à parts égales tous les distributeurs et toutes les régions.
En octobre, la Plate-forme pour une agriculture socialement durable adressait une lettre ouverte aux parlementaires. Cette lettre a trouvé un large écho dans toute la Suisse et a été soutenue par de nombreuses prises de positions personnelles.
En novembre, des pubs Migros pour des concombres à 70 centimes provenant d’Espagne s’étalaient sur des pages entières, au moment même où nous recevions des informations sur des confrontations racistes à l’intérieur d’une des entreprises d’Almeria qui fournit des légumes à ce distributeur.
En décembre, peu avant le vote au Conseil national, des étudiants de l’école d’agriculture BioSchule Schwand – de futurs paysannes et paysans – animaient un théâtre de rue sur la place fédérale à Berne. Ils mettaient en scène les conditions de travail déplorables dans la production industrielle de fruits et légumes, face aux parlementaires qui entraient au palais fédéral.
En décembre encore, nous recevons la nouvelle suivante: Migros et Coop se portent bien, très bien même. Les deux géants suisses de la distribution affichent les marges brutes les plus élevées d’Europe pour le commerce de détail. La différence entre le prix de revient et le prix à la vente s’élève respectivement à 37% et 33,1%.
Mais où est donc passée l’idée de coopérative qui avait mené à la création de ces deux grands distributeurs et qui devait profiter, à l’origine, aux producteurs et aux consommateurs?