Les femmes sont souvent les premières victimes des crises. La pandémie actuelle de COVID-19 ne fait pas exception. Les femmes sont touchées de plusieurs manières par cette situation sociale d’exception. Car elles sont souvent majoritairement représentées dans les métiers qui assurent les conditions minimales d’existence de la société: dans le secteur de la santé, dans celui du soin, comme éducatrices, femmes de ménage ou caissières de supermarché. Cet arti-cle concerne plus particulièrement l’Allemagne, mais il est tout aussi valable ailleurs. La plupart du temps, ces métiers à connotation féminine sont mal payés, se font dans de mauvaises conditions de travail et sont peu valorisés socialement. Dans ces secteurs, les politiques d’austérité néolibérales font tout leur possible pour réduire les coûts au plus bas. Les économies sont faites sur le personnel et sur les salaires. Les soignant·es étaient déjà au bout de leurs forces dans les conditions d’avant la crise et continuent maintenant à travailler avec les malades, par solidarité, au-delà de leurs limites psychiques et physiques. Mais par le passé, les femmes étaient aussi désavantagées structurellement. Le problème n’est pas, en soi, qu’elles s’occupent d’autres personnes. Le problème est bien davantage qu’on attend d’elles, en partant de ce que la socialisation est déterminée sexuellement, qu’elles jouent des rôles conformes à des modèles bien spécifiques. Ainsi, on considère par exemple depuis plusieurs siècles qu’il est inscrit dans l’ordre naturel des choses que les femmes prennent en charge les activités sociales et émotionnelles liées à la reproduction sociale. Les hommes, par contre, travaillent davantage dans les métiers manuels, techniques ou du management, c’est-à-dire dans le domaine de la production sociale, et ce pour un meilleur salaire et de meilleures chances de promotion.
Surcharge
Pour beaucoup de femmes, le télétravail, à l’abri chez soi, n’est souvent pas possible et sur leur lieu de travail, les conditions précaires sont accompagnées d’un risque de contamination au COVID-19. Certes, il y a eu ces dernières années dans la société civile un certain nombre de manifestations et de mouvements de solidarité contre les conditions de travail extrêmement dures du secteur de la santé – et des voix se sont élevées pour revendiquer l’étatisation du système de santé en vue d’améliorer ces conditions précaires –, mais concrètement, rien n’a véritablement changé. Au contraire, le ministre du Travail allemand Hubertus Heil (SPD) a autorisé il y a peu l’augmentation du temps du travail journalier jusqu’à 12 heures pour les métiers dits de «première nécessité» – c’est-à-dire ceux occupés à 70% par des femmes – tout en réduisant les temps de repos obligatoires à 9h. Dans la vie privée, la situation n’est pas meilleure. La fermeture des écoles et des garderies entraîne une surcharge dans le travail domestique. Compte tenu du déséquilibre dans la répartition des tâches éducatives et ménagères entre les femmes et les hommes, là encore c’est aux femmes qu’échoue ce travail supplémentaire – et ce sans rémunération. Une tendance aggravée par le fait qu’aujourd’hui encore, les femmes sont bien moins rémunérées que les hommes. Les hommes travaillent toujours davantage à temps plein et les femmes davantage à temps partiel, ou bien ne peuvent pas exercer de métier puisqu’elles doivent s’occuper des enfants et/ou d’autres membres de la famille. De plus, les parents élevant seul leur(s) enfant(s), parmi lesquels une majorité de femmes, sont davantage encore livrés à eux-mêmes et doivent s’en occuper tout en assurant leurs conditions d’existence par un travail salarié. Pour beaucoup, cette double charge est à peine supportable.
Dangers
Des premières enquêtes faites en Chine et en Italie montrent que la quasi-intégralité du temps que les gens sont maintenant obligés de passer entre quatre murs, afin de limiter autant que faire se peut la propagation du virus, a pour conséquence une augmentation considérable des violences domestiques. Là encore, les victimes sont avant tout des femmes! Et cette situation est encore aggravée par le manque de places dans les centres d’accueil pour femmes. En Allemagne, seulement deux Länder disposent du nombre de places minimum – déjà particulièrement faible – d’une place pour 7500 habitant·es, recommandé par le Conseil européen. Mais la situation est également catastrophique pour les femmes en situation de grossesse non désirée. L’accès à l’interruption volontaire de grossesse (IVG), déjà particulièrement compliqué, est rendu plus difficile encore. Les mesures de prévention contre le virus réduisent les possibilités de prise en charge obligatoire, ralentissent les procédures administratives et compliquent les conditions des examens gynécologiques. Ainsi les délais peuvent à peine être respectés. Les femmes habitant dans des pays où l’IVG est interdite ne peuvent plus traverser les frontières pour avorter. Des craintes existent qu’elles deviennent plus nombreuses à se tourner vers des méthodes d’avortement plus périlleuses. Pour de nombreuses raisons, les femmes sont donc fortement touchées par cette situation d’exception sociale. Elles doivent continuer à mettre leur santé en jeu pour des bas salaires, à assurer le travail domestique non-rémunéré de ménage et de reproduction, et sont de surcroît fortement touchées par les violences domestiques. Il est indispensable de faire le lien entre différentes critiques féministes et de mettre le patriarcat en cause dans cette situation intenable afin de la faire changer.
- Le terme «femme» désigne toutes les personnes qui d’une manière ou d’une autre s’identifient comme telles, et non pas seulement les femmes-cis.