Le 27 juillet dernier, la police a fait irruption dans un camp de jeunes antifascistes à Peršmanhof, un lieu d’apprentissage et de mémoire situé à Bad Eisenkappel/Železna Kapla, où un massacre SS avait été perpétré en 1945[1]. Trois mois plus tard, le rapport de la commission d’experts mise en place par le ministère de l’Intérieur est disponible, et son verdict est sans appel: l’intervention était «à plusieurs égards disproportionnée, illégale et contestable»
Ce qui s’est passé cet été en Carinthie/Koroška n’est pas un malheureux incident. C’est l’expression d’un renforcement politique et administratif dans la pensée, d’une production routinière d’images hostiles qui traite l’engagement antifasciste comme un risque pour la sécurité. À Völkermarkt[2], c’est un ensemble remarquablement déterminé d’autorités qui s’est formé: l’Office régional pour la protection de l’État et la lutte contre l’extrémisme, l’administration du district de Völkermarkt, l’Office fédéral des étrangers et de l’asile, ainsi que des patrouilles, des drones, des hélicoptères, des chiens policiers et l’unité spéciale SIG[3]. Tout cela pour lutter contre un camp éducatif de jeunes gens qui s’intéressaient à la mémoire et à la démocratie.
Le rapport révèle une défaillance complexe des autorités: l’initiative est venue d’un fonctionnaire qui n’était pas habilité à agir en ce sens. Le chef de district est resté passif, bien qu’il fût officiellement le responsable des opérations. Les bases juridiques ont été étendues, voire inventées – l’article 36 de la loi sur la police des étrangers a servi de prétexte, sans qu’il y ait eu le moindre soupçon fondé. Les contrôles d’identité et les arrestations ont été effectués de manière illégale, et le recours massif à des moyens techniques a enfreint le principe de proportionnalité.
Le ministère de l’Intérieur a entre-temps annoncé des sanctions disciplinaires et pénales. Mais aucune responsabilité politique n’a été engagée. Lors d’une conférence de presse, le ministre s’est surtout senti obligé de défendre la police autrichienne dans son ensemble, confirmant ainsi involontairement ce que le rapport lui-même suggère: que ce ne sont pas des individus isolés qui sont à l’œuvre au sein des forces de l’ordre, mais une culture du déni, de la méfiance à l’égard de l’engagement antifasciste et civique, ainsi qu’une camaraderie malsaine entre personnes partageant les mêmes idées.
Le Peršmanhof symbolise la résistance antifasciste en Carinthie/Koroška – et le souvenir fragile qui en reste. Quiconque est responsable d’une telle action à cet endroit précis porte atteinte à bien plus que quelques textes. Il porte atteinte aux fondements d’une culture démocratique et bafoue le «plus jamais ça» qui devrait être le fondement moral de la Deuxième République[4].
Si l’on continue à nier l’existence de problèmes considérables au sein de l’appareil policier en matière de conscience démocratique, l’impression qui prévaut est la suivante: l’État de droit est certes invoqué, mais il n’est pas compris.
Klaus Schönberger, 23 octobre 2025, (date de publication du rapport de la commission)
*Klaus Schönberger est chercheur en sciences culturelles à l’université de Klagenfurt/Celovec et membre du comité culturel du Land de Carinthie/Koroska.
- Voir aussi: Archipel nO 350, septembre 2025, «Agression policière contre un mémorial nazi».
- District dont fait partie Eisenkappel.
- Unité spéciale Groupe d’intervention rapide (SIG) qui fait partie des Forces de réaction rapide (SRK) de la police fédérale.
- Officiellement république d’Autriche, c’est le régime politique républicain en vigueur en Autriche depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale.



