En signe de reconnaissance et de remerciement pour l’engagement transfrontalier du curé Don Giusto della Valle avec son projet Progetto Accoglienza Rebbio à Côme (Italie) et de Lisa Bosia avec son association Firdaus à Genestrerio (Tessin, Suisse) en faveur des réfugié-e-s réfoulé-e-s à la frontière suisse de Chiasso, le Cercle d’Amis Cornelius Koch a décerné le prix suisse des droits humains Alpes ouvertes pour 2017 à ces deux initiatives.
Ce prix a été créé par Cornelius Koch, l’abbé suisse des réfugié-e-s (1940-2001). Les deux lauréats se sont partagé le prix de 12.000 francs.
La cérémonie a eu lieu au Cinema Teatro à Chiasso, le matin du 22 février. Plus de 120 personnes d’Italie et de toute la Suisse ont assisté à la cérémonie dans une ambiance festive et chaleureuse, plus de 500 lettres de solidarité avaient été envoyées pour ces candidats. L’accompagnement de musique traditionnelle du Tessin était assuré par le duo Vent negru de Locarno.
La présence médiatique était assez large, bien que les deux grands quotidiens Giornale del Popolo et Corriere del Ticino aient annoncé préalablement qu’ils ne viendraient pas tant que la procédure pénale contre Lisa était en cours. Elle est en effet accusée d’avoir facilité le passage de la frontière pour des migrants.
A cette occasion, Monseigneur Jacques Gaillot, évêque de Partenia, a tenu ce discours: C’est pour moi un grand honneur et une grande joie d’être parmi vous aujourd’hui. Je me sens proche de Lisa Bosia, députée du parti socialiste au Tessin et de Don Giusto della Valle, curé de l’église San Martino à Côme. Je me retrouve dans leurs initiatives et leurs engagements auprès des réfugiés. (...)
Nous sommes nombreux aujour-d’hui pour vous dire notre soutien et notre admiration.
Par votre action et votre comportement vous nous donnez un premier message qui est d’importance: «l’humain d’abord».
Avant d’être d’un pays, d’une culture, d’une religion, nous sommes des êtres humains. Avant d’être du Nord ou du Sud, nous sommes des citoyens du monde. Avant d’être blanc ou noir, nous sommes des habitants de la planète. Avant d’être des étrangers, nous sommes des frères en humanité.
Ce que nous devons voir dans le visage de chaque être humain, ce n’est pas d’abord sa différence, mais ce qu’il y a d’universel en lui. L’homme et la femme sont plus grands que la loi. Le respect des personnes est plus grand que le respect de la loi. (...) Un second message de votre part ne peut nous laisser indifférent: «abattre les murs».
Nous assistons à une contagion des murs dans le monde: murs entre Israéliens et Palestiniens, entre Américains et Mexicains, entre le Maroc et les enclaves espagnoles et voici qu’en Europe, après avoir abattu le mur de Berlin en 1989, on se remet à construire des murs de barbelés! Des murs qui séparent les peuples et les empêchent de circuler.
Tout circule sur notre planète: l’argent, les armes, la drogue, les informations… mais pas les migrants. Nous sommes faits pour circuler et vivre ensemble. La planète appartient à la famille humaine. On ne fait pas la paix avec du béton et des barbelés.(...)
La politique de la forteresse européenne présente les migrations comme une menace. Les vraies menaces viennent plutôt de la libre circulation des capitaux! Les migrants constituent un apport économique et culturel inestimable. Les mesures sécuritaires que l’on peine à mettre en œuvre ne mettront pas fin à des déplacements qui ont toujours existé. Il faudrait protéger les migrants avant de protéger les frontières.
Les routes des migrations ne se ferment pas, elles se modifient pour éviter les contrôles. Renforcer la surveillance et les contrôles ne rend pas les frontières imperméables, le passage est seulement plus long et plus périlleux pour les personnes en route. Comment d’ailleurs pourrait-on arrêter des personnes qui sont prêtes à mourir pour passer?
Lisa et Don Giusto, j’aimerais partager avec vous une question que je me pose à moi-même souvent. Que font les réfugiés de vous? Que devenez-vous lorsque vous vous mobilisez pour secourir de jeunes réfugiés? Que recevez-vous d’eux? Il ne s’agit plus de voir ce que l’on fait pour eux mais de voir ce qu’ils font de nous au cours des mois et des années.
Pour partager en quelque mots mon expérience, je souhaiterais rejoindre la vôtre. Accueillir les réfugiés nous ouvre aux autres, à d’autres cultures, à d’autres religions. Ils nous ouvrent à la fraternité universelle en faisant tomber des murs qui sont en nous: murs des préjugés, de la peur, de l’indifférence…
Les réfugiés qui viennent de la longue épreuve, après avoir effectué un rude parcours du combattant, arrivent en Europe en laissant de côté la rancune, la vengeance, la haine.
Ils ont connu la faim, le froid, les périls de la mer, du désert, les humiliations, les mauvais traitements, l’abandon… et ils n’ont pas de haine dans le cœur. C’est extraordinaire! Leur cœur n’est pas aigri. Il est libéré.
Les réfugiés sont une bénédiction pour ceux qui les accueillent. (…)
Jacques Gaillot
Evêque de Partenia