Nous publions ici une lettre de lecteur qui nous est parvenue au sujet de l’article «Des femmes pour la paix»*. Même si nous approuvons une partie de ses arguments, nous ne nous sentons pas de discuter, étant nous-mêmes dans une situation de sécurité, des choix que font des personnes qui vivent elles-mêmes sous les bombardements. Nous tentons juste de rendre compte des initiatives qui vont à rebrousse-poil de la haine ambiante.
J’admire l’abnégation et le courage des femmes (et même de quelques hommes!) de Palestine et d’Israël qui, contre l’ostracisme et la dérision de la part de beaucoup de leurs compatriotes, ne perdent pas l’espoir de voir un jour la paix régner dans leurs pays.
Mais cependant, parler de paix en Palestine en ce moment sonne assez creux et même cynique: qui ne voudrait pas la paix, entendue comme absence de guerre? Tout le monde dit travailler pour la paix; même Netanyahou la désire: après avoir tué ou expulsé tous les Palestinien·nes, Israël aurait sa paix! Pour espérer résoudre à long terme le conflit qui traîne depuis presque un siècle dans la région, le terme qu’il faut employer, revendiquer et poursuivre est celui de justice.
Or, bien que ce terme soit employé quelques fois dans le texte, il manque de contenu précis, hormis l’objectif d’obtenir «une vie dans la paix, la sécurité, l’égalité et la justice», ou «une paix inclusive et juste» – des paroles assez vagues, si on ne les pourvoie pas des actes, des décisions et des impositions politiques qu’on estime nécessaires pour les concrétiser.
Voici alors les contenus du terme «justice» que toute personne qui connaît la question ne peut pas se permettre d’éluder: justice signifie le droit à l’autodétermination du peuple palestinien sur une partie de la terre qu’on leur a volée depuis 1948, c’est-à-dire au moins entre la fameuse «ligne verte». Justice signifie le droit au retour des réfugié·es palestinien·nes ou à l’indemnisation de celles et ceux qui préfèrent aller ailleurs. Justice signifie démantèlement du mur en Cisjordanie et de la barrière qui transforme Gaza en une prison à ciel ouvert. Justice signifie retrait total des colons de la Cisjordanie et de Jérusalem-est. Justice signifie fin de l’apartheid et égalité de droits pour les Palestinien·nes d’Israël…
Pour terminer, je répète que j’éprouve beaucoup de sympathie pour ces femmes, mais: tant qu’elles ne définiront pas concrètement les pas qu’il faut accomplir pour atteindre la paix, c’est-à-dire tant qu’elles ne revendiqueront pas à haute voix les points exposés ci-dessus, leur espoir restera un pieux désir.
Alberto Tognola, Grono, TI, Suisse
*Archipel No 338, juillet-août 2024