ALLEMAGNE: Sea-Watch

de Peter - Sea-Watch, 2 avr. 2015, publié à Archipel 235

Un collectif de familles du Brandebourg a décidé de ne plus rester impuissant face à la mort de réfugiés en Méditerranée et a créé le projet Sea-Watch (www.sea-watch.org). Ils ont ainsi acheté un bateau qui naviguera en Méditerranée, au large de la côte libyenne. En coopération avec le «Téléphone d’alerte» de Watch-the-Med, ils visent à sauver des vies humaines et à faire pression sur les décideurs politiques.

La situation dramatique des réfugiés dans le monde entier a déjà été évoquée à plusieurs reprises dans ce journal. Le dernier article du réseau international Watch-the-Med présentait le Téléphone d’alerte, un projet de soutien des boat-people de Méditerranée et de mer Egée*.
Cependant, ne disposant pas de bateau, les membres du Téléphone d’alerte ne peuvent pas conduire eux-mêmes d’opération de sauvetage ou d’accompagnement des réfugiés.
C’est de ce constat que sont partis les initiateurs de Sea-Watch.
Sea-Watch – Le principe L’idée est assez simple: il s’agit d’un bateau apte à naviguer en haute mer, pourvu d’un équipement de secours comportant des gilets et des canots de sauvetage. Il est aussi équipé d’un système satellite spécial permettant la transmission d’images en temps réel. Ce navire sillonnera les eaux internationales de la Méditerranée au niveau des zones de passage de réfugiés. L’équipage du Sea-Watch sera composé de 4 à 8 bénévoles et pourra entrer en contact avec les bateaux de réfugiés et réagir en fonction de la situation. A l’aide des canots de sauvetage, ils pourront accoster les bateaux de réfugiés et leur fournir eau et matériel de premiers secours. En cas de détresse aiguë, ils pourront apporter des équipements de sauvetage et alerter la Garde côtière, ainsi que le Téléphone d’alerte.
Le Sea-Watch étant en mesure de diffuser immédiatement les images de la situation sur place, le sort des réfugiés sera rendu public et permettra d’exercer une certaine pression sur les organismes responsables. Si nécessaire, les bateaux de réfugiés et de la Garde côtière pourront être escortés afin d’exposer d’éventuelles actions de refoulement et d’ainsi les rendre plus difficiles.
Mise en œuvre Quelques mois seulement se sont écoulés entre la première évocation concrète de l’idée et l’achat du bateau en décembre 2014. Cette période a été pleine de discussions intenses, de recherches, de tours de repérage, et de prise de contact avec d’autres réseaux, groupes et organisations. Les fonds pour l’acquisition du bateau et de l’équipement, ainsi que le coût de fonctionnement des premiers mois, ont été levés au sein de notre réseau.
Depuis, le bateau acheté en Hollande a été transféré à Hambourg et est soumis à quelques modifications. Les premières équipes de bénévoles sont en cours de recrutement et le Sea-Watch devrait mettre le cap sur Malte fin mars. Un camp de base sera installé sur l’île de Malte afin de permettre aux équipages bénévoles et aux sympathisants d’y faire escale.
Le Sea-Watch prendra la mer depuis Malte mi-mai avec son équipage de 4 à 8 membres, pour environ 12 jours. Il faudra une journée pour atteindre la zone cible et une autre pour en revenir. Pendant les 10 jours restants, ils tenteront d’élaborer un modèle de recherche dans la région nord-ouest de la côte libyenne (au-delà de la zone des 12 miles). La recherche sera effectuée par radar, à vue, à l’aide d’une caméra aérienne, et si nécessaire avec le canot. En cas de mauvais temps annoncé ou d’autres problèmes, le bateau rentrera au port.
Des rapports réguliers et des images de l’activité du Sea-Watch seront publiés sur le site <www.sea-watch.org> et sur les sites d’organisations amies.
Il reste bien sûr encore beaucoup de questions au sujet de la réalisation du projet. Dans quel état seront les bateaux de réfugiés rencontrés? Comment réagiront les réfugiés? Une opération de sauvetage avec les ressources limitées de la Sea-Watch est-elle réellement possible? Comment réagiront les différents équipages quand ils seront soumis à des situations psychologiquement très éprouvantes (par exemple de se retrouver face à des personnes mourantes ou décédées, ou encore de ne pouvoir empêcher la noyade de réfugiés)? Comment les gardes-côtes réagiront-ils? Y aura-t-il des tentatives de criminalisation?
Nous travaillons en amont sur de nombreux aspects: le plan de formation des équipes de bénévoles, l’évaluation des implications juridiques par des professionnels et la mise en réseau progressive avec les collectifs locaux.
Cependant, seule la pratique permettra de déterminer si une initiative telle que Sea-Watch est réaliste. C’est pourquoi la mise en œuvre initiale est prévue pour trois mois, puis nous procéderons à une évaluation approfondie avec les parties prenantes afin de décider ou non de la poursuite du projet. L’expérience acquise pourra être utilisée par d’autres groupes et collectifs en cas de besoin.
Tout comme les membres du Téléphone d’alerte, nous n’envisageons pas notre projet comme une solution durable à la situation des réfugiés mais comme un autre outil d’aide d’urgence pour les personnes réfugiées. Sea-Watch constitue en outre une pierre supplémentaire apportée aux efforts croissants d’exposition de la scandaleuse politique répressive exercée aux portes de l’Europe.
Comment nous soutenir? La mise en œuvre de Sea-Watch requiert votre soutien. Nous sommes par exemple toujours à la recherche de personnes détentrices du permis bateau pour faire temporairement partie de l’équipage. Et puisqu’une large exposition publique est souvent la meilleure protection contre la criminalisation: répandez autant que possible l’idée de Sea-Watch autour de vous!
Si vous souhaitez nous soutenir de quelque manière que ce soit, obtenir plus d’informations ou entrer en contact avec nous: <www.sea-watch.org>.

Traduction: Héloïse Claudon
* Voir Archipel No 230, 231 et 233