Ce numéro d’alerte1 est géré depuis deux mois par un réseau transnational d’activistes et de migrant-e-s basé-e-s de part et d’autre de la mer Méditerranée. L’assistance téléphonique est assurée par des équipes plurilingues jour et nuit, 7 jours sur 7. L’initiative Alarm Phone bénéficie du soutien de différentes communautés de migrant-e-s, de personnes organisées de la société civile, ainsi que d’activistes et d’organisations de défense des droits humains.
Bien que le réseau ne puisse pas intervenir directement – il ne possède pas de bateaux qui puissent s’occuper d’opérations de sauvetage – l’Alarm Phone porte conseil et donne l’alerte, lorsque des personnes en détresse imminente ne sont pas sauvées immédiatement, voire repoussées par les autorités frontalières européennes. Son but est d’intervenir directement, en temps réel, lorsqu’un appel de boat-people est reçu. La diffusion du numéro d’alarme parmi les communautés de migrant- e-s en transit en est encore à ses débuts. L’objectif est d’offrir une alternative aux personnes en transit, lorsqu’elles ont besoin de se protéger d’abus de droits humains qui ont malheureusement lieu trop souvent dans les régions frontalières de la mer Méditerranée.
Dans ses deux premiers mois d’activité, l’Alarm Phone a reçu plusieurs appels et a pris une part active dans 12 cas précis. Les cas étaient divers, ils ont attiré l’attention des équipes de permanences dans plusieurs régions, avec des intensités de détresse et d’abus de droits humains différentes. Jusqu’à présent, les appels provenaient de la Méditerranée centrale et de la mer Egée, ainsi que de survivants d’opérations grecques de refoulement qui se trouvaient sur le territoire turc. Dans la plupart des cas, l’Alarm Phone a été contacté pas des intermédiaires et des groupes faisant partie des communautés de migrant-e-s, établis par exemple en Suède, Italie ou Suisse. Parmi ces contacts on trouve, entre autres, le Père Mussie Zerai qui gére depuis de nombreuses années un téléphone d’alarme touchant principalement les réfugié-e-s d’Erythrée. Il a conseillé les activistes Watch The Med, et les a encouragés à lancer ce projet. Comme le Père Zerai, de nombreux individus et groupes en Europe reçoivent de nombreux appels de personnes en détresse. L’Alarm Phone n’a pas pour but de remplacer ces structures qui, selon le cas, existent depuis longtemps dans différentes communautés et régions, et qui offrent d’importants conseils.
Les deux derniers mois ont prouvé que ce projet peut offrir un soutien supplémentaire à ces structures et fonctionne à l’instar d’un catalyseur qui met en rapport des personnes inconnues auparavant et contribue à l’échange d’expériences et d’expertises. La pratique a prouvé jusqu’à présent que les défis et scénarios de coopération avec les autorités ont varié selon la situation de détresse et le lieu de l’incident.
Quelques cas
En mer Méditerranée centrale, le réseau doit immédiatement alerter les gardes-côtes italiens et maltais. Lorsque les équipes de permanence avaient l’impression, lors de l’entretien téléphonique, que les opérations de sauvetage n’étaient pas mises immédiatement en place, elles ont contacté le UNHCR ainsi que d’autres organisations afin d’accroître la pression sur les gardes-côtes. C’est à la fin de Mare Nostrum et au début de l’opération Triton menée par Frontex que l’Alarm Phone a été lancé. La question se pose de savoir si le «left to die»2 redeviendra une pratique maritime courante entre la Libye, Malte et l’Italie. En permettant de documenter et de mobiliser en temps réel, l’Alarm Phone peut s’avérer un important mode d’intervention.
Dans la mer Egée, le réseau a vécu des situations dans lesquelles les gardes-côtes grecs menaient des opérations de refoulement illégales vers le territoire turc. Dans le cas d’appels de personnes ayant déjà atteint le territoire grec, les équipes de permanence ont tenté d’empêcher les refoulements en contactant les organisations, en faisant état de leur connaissance de la situation, et en restant en contact permanent avec les personnes et groupes en question.
Dans d’autres cas, l’Alarm Phone a reçu des appels téléphoniques d’individus et de groupes se trouvant sur le territoire turc, après que le refoulement ait eu lieu. Dans ces cas, les équipes de permanence ont procédé à un travail de documentation de la situation en recueillant des témoignages et en restant en contact avec les survivants de ces opérations. Nous avons l’impression que dans tous ces cas, notre soutien psychologique aux personnes nous appelant était très important, ce qui ne peut être suffisamment répété. Ceux et celles qui nous appellent au moment où ils frôlent la mort où juste après ont besoin de sortir de l’anonymat, et de trouver leur place dans une société civile européenne qui tente d’intervenir et de rendre publiques les violations des droits humains en mer.
L’Alarm Phone a rendu accessible à un public plus large trois cas:
- Un survivant d’une opération de refoulement a informé le Watch The Med Alarm Phone d’un refoulement illégal effectué pas les gardes-côtes grecs fin octobre. 33 réfugié-e-s syriens tentaient de traverser la mer Egée lorsque leur bateau fut intercepté et abordé par les gardes-côtes grecs qui ont détruit le moteur et percé le bateau, en laissant les réfugiés sans aide en mer. Les passagers ont pu appeler les gardes-côtes turcs, qui les ont sauvés et ramenés sur le territoire turc.3
- L’Alarm Phone a été contacté par un groupe d’environs 75 réfugié-e-s syriens arrivé- e-s sur l’ile grecque de Symi en octobre 2014. Ils se trouvaient dans une situation précaire, sans nourriture, ni eau, désorienté-e-s, dans la crainte d’être refoulé-e-s par les autorités grecques. Les équipes de permanences ont pu les contacter directement, suivre leurs mouvements et informer les organisations, ainsi que les autorités.4
- Un vaisseau transportant environ 200 réfugié- e-s au large de la Libye se trouvait en danger de chavirer, sans aucun secours proche. Les gardes-côtes italiens ont contacté des navires en faisant état de la situation des refugié-e-s et un bateau a mis le cap sur l’embarcation en détresse. L’équipe de permanence a pu soutenir les réfugié-e-s grâce à des appels téléphoniques répétés et en les rassurant que du secours allait arriver. Le navire a pu joindre le bateau de réfugié-e-s et mener à bien l’opération de sauvetage. Ceci fut le premier cas dans lequel l’équipe de permanence était en contact direct avec les personnes en détresse.5
A l’avenir…
Comme nous l’avons mentionné dans notre communiqué de presse d’octobre, nous ne considérons pas l’Alarm Phone comme une solution, mais bien plus comme un plan d’urgence. Ce projet n’est qu’une contribution supplémentaire pour combattre un régime frontalier européen répressif. Durant les premières semaines de son activité, de nouvelles connections entre migrant-e-s et collectifs d’activistes ont pu être établies. Elles ont permis d’assister des personnes en danger, afin que celles-ci restent indemnes, et de protester contre des violations des droits humains. A l’avenir, le projet cherche à renforcer les activités de réseaux transnationaux afin de promouvoir la liberté de mouvement. Nous faisons appel à tous les membres de la société civile pour faire connaître le Watch Med Alarm Phone de manière aussi large que possible, pour diffuser le numéro de téléphone aux communautés de migrant-e-s qui en ont besoin. Donnez-le à tous les ami-e-s qui ont de la famille et des ami-e-s qui envisagent de franchir les frontières extérieures de l’Europe. Pour nous, ceci est la tâche la plus importante dans les semaines et les mois à venir, et dans le but d’atteindre cet objectif, nous avons besoin d’un large soutien.
Contactez-nous si vous avez des questions ou besoin d’outils de communication (par exemple: le fascicule Safety at Sea, Aegean and Morocco disponible en différentes langues, descriptions du projet en diverses langues).
Compte-tenu de notre dépendance à un réseau fonctionnel, ce qui inclut aussi des traducteurs et traductrices, nous faisons appel à une large participation active dans le projet Alarm Phone. N’hésitez pas à nous contacter si vous pensez pouvoir nous apporter votre soutien6.
- 334 86 51 71 61
- Abandonné à la mort.
- Dossier: 014_10_25_pushback_CHIOS-
GR-CESME-TR, voir: http://watchthemed. net/reports/view/84.- Dossier: 2014_19_21-Symi, voir: http://watchthemed.net/reports/ view/87.
- Dossier: 2014_11_14- CM1, voir: http://watchthemed. net/reports/view/86.
- Courriel: <wtm-alarm-phone(at)antira.info. Vous pouvez aussi soutenir le projet financièrement en faisant parvenir une donation à: Forschungsgesellschaft Flucht & Migration, Sparkasse der Stadt Berlin
Account No: 61 00 24 264 | BLZ: 100 500 00 (mention Watch the Med)
IBAN: DE68 1005 0000 0610 0242 64 |
BIC: BELADEBEXXX