Globalisation et crise
Le capitalisme n’est pas une cérémonie bouddhiste, un regard anhistorique ne peut l'appréhender. La logique, toujours identique, du principe de valorisation ne provoque pas l’éternel retour du même, mais un processus historique irréversible aux conditions qualitativement changeantes. Ainsi, une constellation mondiale doit être analysée par rapport au développement du capital mondial. Quand un niveau de valorisation s’épuise, les institutions politiques, concepts et idéologies afférents s'avèrent également obsolètes. Cela se vérifie particulièrement pour le stade de maturité atteint à la fin du XXème siècle par le système mondial.
Depuis les années 80, la troisième révolution industrielle, celle de la micro-informatique, a commencé à imposer une limite historique à la valorisation du" travail vivant " . Le capital devient alors " inapte à exploiter ", au sens où un accroissement de la valorisation à la hauteur des standards de production et de rentabilité qu’il a lui-même atteint s’avère impossible. Dans les métropoles, cette " suraccumulation structurelle " du capital mondial, causée par l’utilisation de la micro-informatique, conduit à un chômage structurel de masse, une surcapacité productive globale et à la fuite du capital monétaire dans la bulle financière. Dans les périphéries, le manque de capital empêche l'équipement micro-informatique; et ainsi des économies nationales et des régions entières de la planète s’écroulent d’autant plus rapidement qu’elles tombent si bas en-dessous du standard de la logique du capital que leur reproduction sociale est déclarée " non valable " par le marché mondial.
Puis on assiste à une compétition dans la diminution des coûts et dans les fermetures d'entreprises. La globalisation n’est rien d’autre qu'une rationalisation transnationale et, en ce sens, elle représente effectivement un phénomène qualitativement nouveau. A l’exportation traditionnelle de capital sous forme d’investissements d’expansion se substitue la délocalisation de certaines fonctions économiques pour profiter de la différence globale de coûts. Ainsi émergent d’un côté des circuits transnationaux de valorisation, tandis qu'ailleurs se dessèchent et meurent des parts grandissantes de la reproduction sociale. Ce processus est induit et alimenté par le capital, également globalisé, de la bulle financière.
Et dans les conditions de crise de la globalisation, l’écart entre les métropoles et la périphérie ne se réduit pas; désormais il ne s’agit plus d’un écart dans le degré de développement capitaliste, mais dans le degré de décomposition sociale. La création transnationale de valeur se concentre dans les espaces de la " Triade " (USA/Amérique du Nord, Japon, Asie du Sud-Est) pendant qu’elle s’amenuise dans le reste du monde. Parallèlement, dans le contexte des marchés financiers transnationaux, la dynamique de la globalisation économique fait exploser les mécanismes de régulation des économies nationales.
Dans les métropoles, l’Etat ne disparaît pas, mais cesse d’être le " capitaliste collectif idéal " au sens classique. Comme il ne peut pas, à la différence de l’économie des entreprises, se ramifier de façon transnationale, il perd l’une après l’autre ses fonctions de régulation et se réduit progressivement et crûment à la gestion répressive de la crise. Et il ne s’agit pas seulement de la dégradation sociale de parts grandissantes de la société. Car, en sus, le capital détruit involontairement toute une série de ses propres conditions d’existence. Cela transparaît par exemple dans la contradiction -qualitativement nouvelle- entre la valorisation, transnationale, du capital et la forme, nationale, de la monnaie.
Dans la périphérie, la décomposition des appareils d’Etat avance au même rythme que celle de la reproduction capitaliste. Les services publics disparaissent quasi entièrement, la gestion capitule, les appareils répressifs se barbarisent. Dans un océan de désorganisation et d’appauvrissement, seuls de petits îlots de productivité et de rentabilité survivent. Tout développement de l'économie nationale s’interrompt, et les grands trusts annexent à l’économie transnationale ces secteurs "insulaires". Parallèlement émerge une économie de pillage, dépeçant la substance physique de l’économie nationale et jetant, selon des critères ethniques ou religieux, des groupes de population les uns contre les autres, perpétuant ainsi le jeu de la concurrence par d’autres moyens. Aux institutions sociales se substituent des bandes de pillards. Les élites, pour la plupart, se transforment en chefs de bandes ethniques, religieuses ou de milices claniques, en seigneurs de la guerre et en princes de la terreur.
Et de telles évolutions ne représentent qu’un stade intermédiaire dans l’avancée de la crise mondiale vers les limites historiques du processus de valorisation. Pour l’instant, l’économie de pillage peut encore se raccorder au marché mondial et faire paraître le dépeçage des dépouilles économiques comme une perpétuation du processus de valorisation, de même que dans les centres l’incessant regonflement des bulles financières. Mais les deux phénomènes commencent déjà à se tarir.
Les transformations de l’impérialisme
Sur cette toile de fond, l’impérialisme classique a disparu. Si le développement et la régulation de l’économie n'ont plus lieu au niveau national, pour les mêmes raisons l’asservissement et l’intégration de populations, inutiles du point de vue capitaliste, ne font plus sens. La forme territoriale de domination et d’expansion est devenue obsolète. Les " bras " (les travailleurs) ont, dans leur immense majorité, fait leur temps sans pour autant pouvoir s’extraire de la logique capitaliste qui, en tant que système de (dé)-socialisation mondiale, perdure contre vents et marées.
Déjà, dans l’histoire de l’après-guerre, à la concurrence des anciens pouvoirs conquérants (surtout européens) s'est substituée la concurrence bipolaire des superpuissances: les USA et l'Union Soviétique. Là, ce n’était plus la conquête de zones d’influence nationales qui était déterminante, mais bien la question des principes de régulation et des modalités de la reproduction capitaliste. Il s’agissait de la concurrence entre les retardataires historiques sur le marché mondial, les sociétés de la " modernisation de rattrapage " dans l’espace de référence de la pax sovietica , et celles du centre capitaliste développé dans l’espace de référence de la pax americana . Les USA, forts de leurs ressources continentales et détenteurs du plus grand marché intérieur du monde, étaient devenus l’unique puissance dominante de l’Occident; ils avaient, depuis la deuxième guerre mondiale, acquis une avance définitive grâce au dynamisme de leur complexe militaro-industriel.
Maintenant, après l’effondrement de l’Union Soviétique et la fin de la " modernisation de rattrapage " , dus à la crise de la troisième révolution industrielle, tout retour aux vieux conflits inter-impérialistes entre des puissances conquérantes s'avère impossible. Nous sommes confrontés à l’unification planétaire de la pax americana , mais cela dans le contexte d’un précaire capitalisme de minorités basé sur des bulles financières et une économie de pillage. Il serait ridicule de parler d’une nouvelle concurrence inter-impérialiste entre les USA et l’Allemagne, la France ou l’Union Européenne. L’appareil militaire des USA, élaboré dans les décennies de l’après-guerre, est sans concurrence; chaque année, le budget militaire US dépasse de vingt fois celui de l’Allemagne. Les conditions militaires ou économiques pour l'émergence d'une puissance rivale ne sont pas réunies.
Malgré une certaine rhétorique dans ce sens et quelques intérêts isolés, les USA n’agissent pas au nom d’une expansion territoriale nationale, mais comme une sorte de puissance protectrice de l’impératif de valorisation et de ses lois dans des conditions de crise du système mondial. Tout le monde fonctionne dans le contexte des processus transnationaux de valorisation et sous la pression simultanée d’une masse grandissante d’" inutiles ". Pour cela, le rôle des USA en tant que dernière superpuissance monocentrique ne doit pas être analysé exclusivement en fonction de son poids militaire, mais aussi à travers les conditions déterritorialisées mêmes de la globalisation. La totalité du capital transnational, les marchés financiers et les résidus d’appareils d’Etat du centre sont dépendants de la capacité de mainmise des USA en tant que gendarme du monde.
Ainsi s’est cristallisé un " impérialisme collectif idéal " sous l’égide unique des USA, prolongé par l’OTAN et d’autres institutions capitalistes mondiales. L’image de l’ennemi déclaré n’est manifestement pas le résultat d’intérêts nationaux ou de la confrontation inter-impérialiste, mais celle de l’impérialisme global et démocratique contre les spectres de la crise du système mondial unifié. A l’empire du capitalisme d’Etat de la " modernisation de rattrapage " , qui a échoué, on substitue aujourd’hui comme nouvel " Empire du Mal " un ensemble diffus de potentialités de trouble, de terrorisme ethnique et religieux, de situations d’anomie etc.
" L’impérialisme collectif idéal " agit essentiellement, sans jamais pouvoir aboutir, en tant qu’impérialisme de sécurité et d’exclusion du centre démocratique capitaliste des états de crise engendrés par le capital lui-même.
La sécurité doit être garantie pour pouvoir effectuer aisément des transactions jusque dans les îlots précaires de la valorisation de la périphérie. La garantie du flux de carburant pour la machine capitaliste mondiale en constitue une priorité. Là non plus il ne s’agit pas d’intérêts nationaux spécifiques, mais du fonctionnement de la valorisation transnationale. Et, surtout, l’intérêt commun d’exclusion des mouvements de fuite et de migration issus des zones d’écroulement de la périphérie prévaut sur les prétentions de pouvoirs territoriaux.
La fin de la souveraineté
Les oppositions à l’intérieur du cadre de l’impérialisme collectif démocratique (par exemple la dispute actuelle entre l’Allemagne, la France, la Belgique etc. d’un côté et les USA de l’autre) sont secondaires. En déduire la possibilité d’un nouveau grand conflit inter-impérial, d’après le modèle de l’époque des guerres mondiales, serait à peu près aussi clairvoyant que de tenter de présenter les divergences entre l’Allemagne nazie et l’Espagne de Franco (qui s’est, comme on le sait, tenue à l’écart de la deuxième guerre mondiale) comme le conflit " véritable " de cette période.
Ce n’est pas un rapport de concurrence nationale "à l'ancienne" qui motive les querelles actuelles, mais la crainte de certains gouvernements subalternes de conséquences éventuellement incontrôlables. L’Otan et le reste des Etats se partagent entre dévots et vassaux hésitants, sans être capables ou seulement avoir la velléité d’une rébellion ouverte contre les USA. L’hésitation naît plutôt de la peur de ceux qui n’ont pas eux-mêmes le doigt sur la détente, alors que les volontaires se recrutent plutôt parmi ceux qui n’ont plus rien à perdre, mais qui n’ont de toute façon rien à dire.
Alors que jusqu’à l’intervention en Afghanistan incluse, il n’y eut aucune contestation contre les guerres de l’ordre mondial sous l’égide des USA et que le gouvernement allemand rouge-vert envoya, sous la bannière démocratique, ses germaniques troupes auxiliaires sur le front, le coup de semonce contre l’Irak provoque de l’inquiétude, parce que le droit international, l’ONU et le principe de souveraineté –les garanties de la fameuse communauté internationale des Etats et des " peuples "- sont ouvertement bafoués. L’Allemagne, la France et Cie commencent à craindre d'être bientôt traités de la même manière et que l'édifice idéologique de légitimation qui a fonctionné jusqu’à maintenant puisse s'écrouler.
Que les USA foulent aux pieds de façon aussi rude les règles du jeu du monde des Etats qu’ils ont eux-mêmes édictées après 1945 résulte de la contradiction interne entre la composition nationale de la première puissance mondiale et sa " mission " de puissance protectrice du processus de valorisation. La raison profonde en est que le principe même de souveraineté, rassemblant justement des populations de façon territoriale comme " force de travail totale " , est devenu obsolète. Même les Etats du centre, les USA inclus, abandonnent, en " privatisant ", de plus en plus de fonctions et jusqu’à l’appareil de répression. En niant la souveraineté des " Etats voyous " , les USA ne font rien d’autre que de projeter la crise mondiale sur le niveau politico-juridique, sur lequel s’annonce la fin des rapports contractuels modernes en général (et finalement la fin même de la souveraineté des USA). La résistance conservatrice face à)cette dynamique d’une partie des Etats européens est vouée à l’échec. Que de vieux ressentiments anti-américains jouent ici également un rôle est probable, mais certainement pas décisif.
Du pétrole pour la bourse
Le problème qui se pose au gendarme du monde de l’" impérialisme collectif " réside dans le fait qu’il peut agir uniquement sur la base de la souveraineté nationale, que par ailleurs il doit détruire de ses propres mains pour maintenir son existence. Cela concerne aussi les systèmes d’armes high-tech qui sont conçus pour des conflits territoriaux classiques: les spectres de la crise, les organisations terroristes, etc., ne peuvent pas être touchés par celles-ci, parce qu’ils agissent eux-mêmes dans les plis de la globalisation. Al Qaïda est organisée exactement comme un trust international. Face à elle, la supériorité militaire devient inutile et " la guerre contre le terrorisme " se révèle être un coup d’épée dans l’eau. Avec la fin de l’avènement de la bulle financière se fait sentir la menace d’une avancée de la crise dans le centre capitaliste même, notamment en son cœur qui est l’économie US, et cela risque d’entraîner une dépression grave au niveau mondial. Ceci remettrait alors en question la capacité de financement de l’appareil militaire high-tech de la dernière puissance.
C’est pour cette raison que l’administration US a rétrogradé de la " guerre contre le terrorisme " au paradigme des " Etats voyous " . Le coup préventif contre l’Irak représente une double fuite en avant. Premièrement il s’agit de " vaincre " la souveraineté irakienne déjà en ruine, Etat territorial classique et adversaire facile avec son armée délabrée, pour montrer au monde qui est le maître à bord. D’un autre côté, on veut rattraper l’écroulement économique menaçant par la récupération directe des champs de pétrole irakiens (et peut-être aussi saoudiens) et le démantèlement de l’OPEP. Il s’agit là moins du flux matériel du pétrole qui est tout à fait envisageable sans intervention militaire, mais du sauvetage à court terme des marchés financiers. Le recyclage des valeurs à partir des bulles financières doit être relancé, ce qui n’est pas possible sans " option d’avenir " sur une nouvelle prospérité séculaire. Après que celle du " siècle du Pacifique " , avec l’écroulement du modèle japonais et des pays de l’Asie du sud-est, se soit révélée un flop de la même manière que la New Economy du capitalisme de communication (Internet et Télécom), c’est maintenant l’option " pétrole aux prix d’avant l’OPEP " qui est censée l’assurer sous le contrôle direct des USA.
Mais le coup pourrait partir en arrière. Bien sûr, l’armée irakienne ne constitue pas un adversaire sérieux. Pourtant si des combats de rue dans Bagdad et d’autres centres occasionnaient un grand nombre de victimes, d’importantes destructions et des millions de réfugiés, cela discréditerait moralement les USA auprès du monde entier. Et surtout, l’installation d’un régime stable va être impossible : comme celui de Milosevic, le régime de Saddam représente un modèle finissant de souveraineté. Une gestion militaire US de l’Irak et de toute la région pétrolière dans la confrontation permanente avec la guérilla et le terrorisme ne serait ni finançable ni tenable de façon politique et militaire. En plus ce serait le contraire d’un signal d’euphorie pour les marchés financiers. La " victoire " sur l’Irak sera inévitablement une victoire à la Pyrrhus, qui ne fera que renforcer la crise du système mondial.
La pulsion de mort du capital
De toute façon, il ne s’agit pas de la fausse rationalité de certains " intérêts ", toujours subordonnés à la fin en soi irrationnelle du principe de valorisation. Le vulgaire matérialisme d’intérêt ne voit pas la " métaphysique réelle " du capital comme une religion sécularisée, dont l’irrationalité terrasse, aux limites du système, ses intérêts rationnels immanents. L’impératif de valorisation, indifférent à tout contenu sensible, exige finalement la dissolution du monde physique dans l’abstraction formelle et vide de la valeur, c’est-à-dire sa destruction. A ce niveau, on peut parler d’une pulsion de mort gnostique propre au système capitaliste, qui s’exprime autant dans la logique destructive de l’économie que dans les violences potentielles de la concurrence. Puisque les contradictions ne peuvent plus être dissoutes dans un nouveau modèle d’accumulation, cette pulsion se manifeste aujourd’hui de façon directe et globale.
La défense du système à tout prix se transforme en autodestruction de ses acteurs. Folies meurtrières individuelles, suicides collectifs de sectes et attentats suicides réalisent cette folie objective : ce sont des réactions sans perspective à la crise qui prennent des dimensions jusqu’ici inconnues. Le syndrome antisémite, directement relié à ce phénomène, resurgit sans liens avec la constitution d’empires nationaux (comme c’était le cas pour l’empire austro-allemand) et inonde le monde d’amalgames diffus, postmodernes et postnationaux, en particulier de provenance religieuse, comme ultime réserve idéologique de crise de la " forme sujet " capitaliste.
Comme la rationalité interne du capitalisme portée par le sujet moderne n’est plus représentée dans un nouveau modèle d’accumulation, elle ne fournit plus aucun recours contre la pulsion de mort propre au système, mais devient un élément immédiat de cette irrationalité. Modernité et contre-modernité (Aufklärung / Gegenaufklärung), raison et folie, démocratie et dictature se recouvrent. L’impérialisme global démocratique est incapable de pacifier son propre monde en crise et devient alors un " fou furieux collectif idéal " , capable d’aller jusqu’à l’utilisation d’armes nucléaires, menace que l’administration US a déjà proférée ouvertement, contre des zones d’insécurité, contre les spectres insaisissables de la crise ou encore contre les masses d’" inutiles ".
1914 ou 1941 ?
Il n’existe plus d’alternative au système capitaliste en son sein. Mais comme la gauche ne connaît rien d’autre que prôner des alternatives sur le terrain de l’ontologie et du développement capitalistes, elle prend, en grande partie, la fuite dans le passé et mène une querelle absurde sur la question de savoir si nous sommes en 1914 ou en 1941. Les deux fractions sont restées intellectuellement coincées à l’époque du capital formé par l’économie nationale et les velléités d’expansion des empires nationaux ; les deux sont analphabètes au sujet de la théorie de la crise et plus largement à propos de toute critique de l’économie politique ; toutes deux se raccrochent à la rationalité immanente au système du sujet capitaliste moderne des Lumières.
Les nostalgiques de 1914, partisans de la momie de Lénine, invoquent le fantasme d’une union " anti-impérialiste " entre les opposants à la guerre dans les métropoles et les " souverainistes " et les " peuples" (" Volk ") du Tiers Monde qui défendent leur indépendance –au sens moderne- contre l’impérialisme US ou européen. Les nostalgiques de 1941 par contre délirent avec l’idée d’une coalition " anti-Hitler " sous l’égide des " bonnes " puissances occidentales contre le " fascisme islamique " et de ses comparses allemands pour la défense d’Israël et de la " civilisation " .
Mais le régime de Saddam ne vaut ni en tant qu’empire nazi menaçant le monde, ni comme force pleine d’espoir du développement national et Ben Laden n’est ni Hitler, ni Che Guevara. L’état palestinien s’écroule avant sa fondation parce que l’étatisme ne représente absolument plus aucune option d’émancipation ; à l’inverse, l’Intifada et les attentats suicides barbares ne peuvent être mis sur le même niveau que la destruction industrielle des Juifs. Les faux amis du Tiers Monde intègrent Israël à l’impérialisme en ignorant sa qualité essentielle, résultat de l’antisémitisme global ; les faux amis d’Israël glorifient les forces réactionnaires et ultra-religieuses responsables du meurtre de Rabin et tombent dans des propos haineux, primitifs et racistes. Les uns nient Israël comme lieu de refuge, les autres ignorent le fait que son existence est plus menacée par sa propre barbarie de crise que par des menaces militaires extérieures.
Les zombies de 1914 acceptent la dégénérescence raciste et antisémite, culturaliste et anti-américaine de la " lutte de classe " et de l’"anti-impérialisme ". Les zombies de 1941 abandonnent toute critique de la guerre menée par le nouvel ordre mondial, dénoncent sans gêne les oppositions israéliennes et nord-américaines à la politique de leurs gouvernements, déjà bien harcelées, et utilisent la critique nécessaire de l’antisémitisme et de l’antisionisme pour la légitimation de la terreur du bombardement démocratique. Ce qui manque par contre c’est une opposition radicale à la guerre, qui ferait face à la situation réelle du monde et développerait une critique catégorielle de la modernité capitaliste au-delà de ces alternatives apparentes, qui ne représentent rien d’autre que des formes différentes de la barbarie de crise sur la base moderniste mondiale.