À l’issue d’un épisode inédit qui a vu l’exécutif se défausser sur le Conseil constitutionnel pour éliminer des dispositions nauséabondes qu’il avait lui-même complaisamment validées, reste une loi qui s’en prend violemment aux droits des personnes étrangères.
Non seulement le tri opéré par le Conseil constitutionnel laisse subsister près des deux tiers d’une loi marquée du sceau de la suspicion envers un·e étranger·e présumé·e délinquant·e ou hostile aux principes de la République, mais celles qui ont été écartées ne l’ont été qu’au motif de leur absence de lien direct ou indirect avec l’objet de la loi. Autant dire que cette censure, aussi large soit-elle, ne dit rien de leur contradiction avec les principes constitutionnels. Elle ne peut donc rassurer personne.
Le Conseil constitutionnel est satisfait: il a fait son travail. L’exécutif est satisfait: il a sa loi. Les commentateur/trices de tous bords sont satisfait·es: les un·es pensent tenir là l’occasion de crier haro sur la Constitution, les autres de crier victoire après «une large censure» de la loi.
Qui pour évaluer et dénoncer les conséquences à venir, pour les personnes étrangères, des 27 articles du projet de loi initial, quasiment tous épargnés par la censure, auxquels s’ajoute un nombre équivalent de dispositions issues des surenchères xénophobes de la droite sénatoriale et qui restent dans la loi? Un droit au séjour désintégré par des dispositions qui en limitent drastiquement l’accès, le mettent en sursis permanent ou en dégradent les conditions d’exercice. Des familles qui voleront en éclats sous les coups de boutoir d’une omniprésente «menace pour l’ordre public» valant blanc-seing pour les préfet·es ou du simple fait de la perte du droit au séjour de l’un·e de leurs membres.
Des obligations de quitter le territoire ouvrant la voie à la traque policière pendant trois ans et un arsenal répressif toujours plus fourni avec une «double peine» d’interdiction du territoire ba-nalisée. Un parcours toujours plus restrictif et expéditif pour les demandeur·euses d’asile, privé·es de leurs droits au moindre accident et, pour nombre d’entre elles et eux, assigné·es à résidence ou placé·es en rétention avant même d’avoir pu déposer leur dossier. Qui se souvient que le gouver-nement prétendait «intégrer par le travail» en donnant un titre de séjour d’un an aux sans-papiers travaillant dans les métiers en tension? Inutile de souligner qu’il ne reste rien de ce dispositif: là encore c’est l’arbitraire des préfet·es qui fera loi.
Une fois passée la colère, il restera à forger les outils destinés, dans les tribunaux et ailleurs, à enrayer le fol engrenage qui prend les personnes étrangères pour cibles.
Groupe d’information et de soutien des immigré·es* 26 janvier 2024