FRANCE/SOLIDARITÉ: Aux Volets Rouges, en soutien aux exilé.es, liberté, paix et justice

de Nassima Taleb, FCE France, 13 oct. 2023, publié à Archipel 329

Le cinquième festival Aux Volets Rouges s’est tenu cet été du 10 au 13 août à Tarnac, sur la ferme du Goutailloux. Près d’un millier de personnes se sont retrouvées pour discuter, réfléchir et faire la fête autour des questions migratoires, des questions de genres, des questions écologiques, et sur tout ce qui anime les participant·es.

En 2017, pour faire face à la crise migratoire, l’association Montagne Accueil Solidarité (MAS) de Peyrelevade en Corrèze a acheté une maison grâce a une levée de fonds solidaire: la Maison aux Volets Rouges. Celle-ci est située au cœur du village voisin à Tarnac. Le MAS se mobilise depuis plusieurs années autour des personnes et des familles à qui le droit d’asile a été refusé. Cette association agit pour trouver des solutions d’hébergement, de transport et de subsistance sur la Montagne Limousine. Les bénéfices du festival Aux Volets Rouges, qui a eu lieu pour la cinquième année consécutive, lui sont reversés. Tout a commencé au lendemain du démantèlement et de l’évacuation de la première «jungle» de Calais. Les migrant·es et exilé·es ont été orienté·es vers différentes structures d’accueil en France, CADA (Centre d’Accueil de Demandeurs d’Asile) ou CAO (Centre d’Accueil et d’Orientation). Ainsi dans la région, deux CADA ont vu le jour, dont un à Peyrelevade. Cependant, 70% des demandeur·euses d’asile sont débouté·es à l’issue de leur demande, et se retrouvent à la rue, sans moyen.

Pour y remédier, une association, le MAS de Peyrelevade et une Cimade1 pour l’aide administrative sont créées afin d’accompagner ces personnes. Les habitant·es se mobilisent également en les accueillant dans leur domicile. À ce moment-là, une maison est mise en vente à Tarnac au prix de 15.000 euros, et très vite, une campagne de dons se met en place via Internet. La somme de-mandée est rapidement atteinte, ainsi que les frais de notaire et une somme de 10.000 euros en plus qui sera utilisée pour réaliser les travaux nécessaires. Un appel à chantier participatif est lancé également, avec un énorme succès! Des voisin·es, des ami·es, des artisan·es viendront de toute la région pour mettre la maison en état, selon leurs compétences. Isolation du toit, plomberie, escalier en bois, peinture ou aménagement, tout sera prêt en quelques mois.

Toute l’équipe qui gère la maison et qui accompagne les personnes en tant que référent·es est bénévole, et non professionnelle, il n’y a pas de travailleur·euses sociaux. Ce qui compte réellement, c’est la rencontre, l’entente réciproque entre la personne concernée, l’équipe et les autres occupant·es de la maison. Au début, il s’agissait beaucoup d’hommes, et de jeunes hommes isolés. Mais depuis deux ans, des familles sont également accueillies. Les personnes concernées ne sont d’ailleurs pas exclusivement sorties des CADA, il peut s’agir de connaissances plus ou moins proches qui viennent d’arriver en France, ou qui y vivent depuis longtemps, mais souvent dans des conditions précaires.

Une charte simple, qui régit le fonctionnement de la maison et les engagements minimums à respecter, ainsi qu’un contrat d’hébergement sont à signer avec le MAS. Ces documents pourront servir de preuve de vie en France dans le dossier des personnes. Il n’y a pas vraiment de temps limite à l’accueil, cela dépend surtout du bien-être des personnes dans la maison, de l’avancée de leur dossier. Pour certain·es c’est l’attrait de la ville et d’un emploi qui les fera partir. D’autres iront faire une formation. Mais pour nombre de celles et ceux qui sont passé·es par cette maison et ce village, c’est un véritable foyer qu’iels ont trouvé, et selon leurs termes, «une deuxième famille».

Des liens amicaux se créent entre les occupant·es et les référent·es. Ces dernièr·es ont acquis de l’expérience au fil du temps et des accompagnements et se spécialisent peu à peu. Pour les un·es ce sera un accompagnement administratif ou juridique surtout, d’autres les accompagneront dans leurs parcours médicaux. D’autres donneront des cours de français. D’autres encore feront des demandes de subventions à des fondations privées telles que Un monde par tous ou Lush, afin de continuer a rendre la maison confortable et bien chauffée l’hiver. Et bien sûr, certaines de ces personnes se chargent plus particulièrement d’organiser le festival Aux Volets Rouges!

Le festival Aux Volets Rouges

Avant le festival, des soirées événement, des repas, des discussions étaient organisé·es avec les migrant·es. Cela permettait tant bien que mal de financer la maison et son fonctionnement, mais aussi un peu d’argent de poche, les déplacements, les avocats et les papiers eux-mêmes qui sont payants et même les frais scolaires. Depuis 5 ans maintenant, c’est un véritable festival qui est organisé sur l’initiative de Véra, une des habitantes de Tarnac et référente à la Maison, avec ses ami·es de Bâle.

Au-delà de sa fonction financière, le festival est surtout un lieu de rencontres entre les diffé-rentes personnes qui s’indignent du sort réservé aux personnes migrantes, et qui réfléchissent à des moyens d’accueil: «ces […] jours d’échanges offriront des rencontres, susciteront des liens, inspireront nos luttes et nos diverses créativités. Comment accueillir dignement? Comment créer des liens entre la ville et la campagne? Comment s’organiser face à la police et l’injustice de l’État?[2]».

Cet événement permet aux exilé·es en France de se rencontrer pour partager leurs expériences, se soutenir, trouver des moyens de poursuivre les luttes engagées dans leurs pays d’origine. «Comment continuer à lutter depuis l’exil, dans une France qui collabore avec des dictateurs génocidaires? Comment défendre une solidarité révolutionnaire transnationale?».

Mais il permet aussi «de se retrouver avec un rendez-vous fixe pour ceux et celles qui se sont dispersé·es» au fil des années, autant des personnes ayant vécu dans la MVR que des ancien·nes habitant·es du plateau de la montagne limousine. Ou encore des personnes liées par l’amitié, avec lesquelles on élabore «afin de continuer à tisser des réseaux de solidarité et de lutte», avec les personnes migrantes bien sûr.

Et il en est ainsi avec les différents groupes qui préparent le festival des mois en amont: le groupe de Bâle, qui se constitue expressément pour l’événement mais dont le noyau reste fixe, une association syrienne: Al-Beyt qui soutien le festival et participe à la programmation musicale, la Cantine Syrienne de Montreuil et Les Peuples Veulent, qui participent activement aux discussions ainsi que des habitant·es du territoire.

Différents espaces sont aménagés à l’occasion entre autres par les Bâlois·es: un dance floor dans les bois, un open floor sur une colline, des tentes et des barnums, et la magnifique grange du Goutailloux. On peut assister à des spectacles, des workshops, des ateliers, du théâtre, des films, des débats, des présentations sur tout ce que les diverses personnes et groupes voudront partager, depuis les questions d’exil, de féminisme, de genre, de sécurité digitale ou au sujet des papillons de nuit directement dans les champs. Le tout d’une richesse et d’une qualité impressionnantes, en autogestion et de façon bénévole! C’est donc l’occasion d’échanger autour des problématiques qui génèrent l’exil et la migration. En effet, durant les jours de discussions et de rencontres qui précèdent la grande fête, alors qu’on a encore l’esprit clair, les différent·es intervenant·es font le récit des situations de conflits, de guerres ou de méandres économique et écologique dans lesquels certains pays se trouvent. Il s’agit ici de créer des ponts pour générer un internationalisme par le bas, de lutter ensemble et de soutenir les peuples en lutte.

Car la révolution est le choix du peuple!

Nassima Taleb, FCE - France

Vous pouvez retrouver la série d’émissions consacrées à la Maison aux volets rouges en tapant «volets rouges» dans le moteur de recherche du site de Radio Zinzine <radiozinzine.org>.

  1. La Cimade est une association loi de 1901 de solidarité active et de soutien politique aux migrants, aux réfugiés et aux déplacés, aux demandeurs d’asile et aux étrangers en situation irrégulière.
  2. Cette citation et les suivantes ont été recueillies dans le texte d’invitation de la quatrième édition du festival.