Selon le communiqué publié par plusieurs organisations autrichiennes (voir ci-contre), la célèbre variété de tomate Green Zebra pourrait être inscrite comme variété locale de conservation en Autriche. Celui qui l’inscrira sera le seul en Europe à avoir le droit de la multiplier. Or la Green Zebra est une des nombreuses créations de l’Américain Tom Wagner, qui a fait un tour d’Europe à l’automne 2009 à l’initiative de Kokopelli et des Danish Seed Savers. Voici des extraits de sa réaction.
Je découvre que dès qu’un pays membre de l’UE aura accepté qu’une région soit la «région d’origine» d’une certaine variété, celle-ci ne pourra être cultivée que dans cette région. En tant que créateur de la tomate Green Zebra, quels droits aurai-je? Cette variété deviendra la propriété privée d’un seul détenteur. Des variétés rares que j’ai créées seront sans doute considérées comme des «variétés d’amateurs sans utilité économique» et risquent de disparaître.
Que dois-je faire? Dois-je prendre des mesures pour inscrire mes propres variétés auprès de l’UE afin d’éviter que quelqu’un d’autre, surtout quelqu’un avec des principes contraires aux miens, me devance et devienne ainsi propriétaire de MES variétés. Devrais-je dépenser moults dollars pour breveter la Green Zebra et nombre d’autres de mes créations? Est-ce que cela aiderait le petit multiplicateur en Autriche si j’obtenais un brevet pour une variété que je laisserais accessible comme variété open source1.
Mon travail de créateur de variétés est comme un iceberg. Seules quelques-unes sont connues du public. J’ai plus de 10.000 variétés et combinaisons de variétés. La vaste majorité de mes croisements Green Zebra sont en évolution permanente, et ne seront probablement jamais diffusés. Cependant, ils pourraient être partiellement distribués afin de contourner la variété originale Green Zebra que je maintiens depuis 38 ans et qui est désormais susceptible de devenir la «propriété» de quelqu’un.
Si j’envoyais à des milliers de gens des semences de la tomate Green Zebra identiques à l’exception d’un gène ou deux, chacune de ces personnes devra-t-elle les inscrire ou ces nouvelles variations seront-elles illégales? L’année dernière en Autriche, j’ai distribué des semences de plus de 50 lignées de Green Zebra et d’Ananas Noir. Beaucoup de ces dernières ressemblaient superficiellement à la Green Zebra. Comment les législateurs européens vont-ils se débrouiller avec tout ça?
En septembre et octobre 2009, j’ai animé une série d’ateliers en France, Belgique, Suisse, Autriche, Danemark, Allemagne, Irlande et Grande-Bretagne. J’ai toujours insisté sur le fait que «mes semences sont vos semences» et que le développement de variétés vient de la base et non d’en haut. Je me suis ouvertement déclaré «seed rebel», précisant que je m’oppose à l’idée même qu’une variété doive être développée uniquement par un multiplicateur de semences officiellement inscrit et vendue par une entreprise semencière. Pendant mon voyage en Europe, j’ai distribué gratuitement les semences d’innombrables nouvelles variétés que j’ai créées en 58 ans.
J’ai expliqué aux Européens que je collecte une grande partie de la biodiversité qui nous reste encore et que je la croise afin de créer encore plus de diversité. Y a t-il une place pour quelqu’un qui ne se contente pas de maintenir des variétés anciennes non inscrites, mais qui multiplie les millions de variations possibles autour d’une lignée? Pourquoi devrions-nous accepter un monde avec seulement quelques variétés anciennes et quelques nouvelles, quand on pourrait en avoir des anciennes qui deviennent encore plus vieilles, des nouvelles qui deviennent plus anciennes, et des nouvelles créées par des créateurs?
Je suis un «créateur libre» de variétés et je crois dans le caractère open source des semences, qu’elles ne peuvent jamais être la propriété de qui que ce soit, mais qu’elles doivent être transmises à quiconque veut cultiver ces semences. La diversité est une qualité essentielle dont nous avons tous besoin, et elle ne nécessite aucunement l’action des grands semenciers. Je maintiens des milliers de variétés que j’ai créées. J’ai rarement l’occasion de les distribuer réellement. Je veux que tout individu y ait accès et non les grandes firmes.
Tout doit être possédé et ce qui ne mérite pas d’être possédé ne vaut pas d’être protégé et doit être déclaré hors-la-loi. Où allons-nous? Est-ce qu’un jour même le soleil et l’air seront payants? Je soutiens les paysans et jardiniers en Autriche et ailleurs. Ils doivent pouvoir avoir la liberté de cultiver, développer, entretenir et diffuser toutes variétés, nouvelles et anciennes, à tous ceux qui le souhaitent. Les lois de la nature seront toujours plus puissantes que celles de l’homme.
Tom Wagner
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