Cet été la Hongrie a connu une nouvelle poussée de fièvre extrémiste soutenue par le Fidesz, le parti de Victor Orban au pouvoir depuis 2010. Le meurtre, en juillet, d’une jeune psychologue de la police dans la banlieue de Budapest a fourni l’occasion à l’extrême droite de renchérir avec son thème favori: la «criminalité tsigane». Car le principal suspect est rom.
Trois ans après une série de ratonnades ayant fait plusieurs morts et un an après les événements à Gyöngyöspata (Nord) la stratégie de la haine raciale mise en place par des groupes néofascistes atteint de nouveaux sommets.
Mais faisons un petit tour en arrière jusqu’à l’élection de Victor Orban, arrivé au pouvoir en 2010 dans un contexte de crise économique aiguë. La Hongrie a été l’un des pays européens le plus fortement touché par la crise de 2008, cet été le Forint a perdu plus de vingt pour cent de sa valeur, plongeant les retraités et les plus pauvres dans une situation très difficile. La TVA est passée de 25 à 27%, le taux le plus élevé en Europe, et le pays est pratiquement insolvable actuellement.
Depuis son élection, Victor Orban et son parti ultra-conservateur, le Fidesz, mènent une politique populiste et autoritaire. Dans le cadre de sa politique nationaliste, Orban fait voter un amendement constitutionnel relatif à la double nationalité pour les minorités magyares situées hors du territoire national, ce qui provoque immédiatement de fortes tensions, notamment avec la Roumanie qui considère cela comme une ingérence dans ses affaires intérieures. Fin 2010, il fait également adopter une loi sur le contrôle des médias. Les médias sont mis directement sous le contrôle du Fidesz et plus de 600 journalistes et techniciens hostiles au Fidesz sont licenciés. La loi impose une information «objective et équilibrée» et la protection des sources est supprimée. Pour ceux qui ne s’autocensurent pas, le pouvoir intervient pour rompre les contrats de publicité faisant ainsi péricliter, dans ce contexte de crise, les médias récalcitrants.
En 2011, Victor Orban et son parti vont encore plus loin: en avril, l’Assemblée nationale adopte une nouvelle constitution très conservatrice qui entre en vigueur en janvier 2012. Le nom du pays est changé et passe de République de Hongrie à Hongrie, avec de nombreuses références aux racines chrétiennes et à «l’histoire millénaire» du pays, flattant ainsi les courants religieux réactionnaires et le nationalisme identitaire. Le mariage homosexuel est interdit et l’interruption volontaire de grossesse remise en cause. Orban a également proposé de faire appel à des policiers à la retraite pour faire surveiller les allocataires d’aides sociales lorsqu’ils effectuent des travaux d’intérêt général, ce qui est devenu obligatoire pour eux à partir de septembre 2011 s’il veulent continuer à bénéficier de ces aides. Des «camps de travail» sont également mis en place, et les premiers à être visés par cette mesure sont les Roms, première minorité du pays.
Pour revenir au meurtre de la jeune policière cet été, voici ce qu’a déclaré le journaliste Zsolt Bayer, membre du Fidesz au pouvoir et ami du premier ministre Victor Orban: «Il faut le dire sans détour: ce meurtrier bestial était un Tzigane. Dans la Hongrie d’aujourd’hui, des millions de gens sont victimes de Tziganes qui les volent, les frappent, les humilient ou les tuent. Si la communauté tzigane n’éradique pas cette mentalité particulière à la race, il est clair que nous ne pouvons pas vivre ensemble». Le journaliste était un des organisateurs de la «marche pour la paix» en soutien à Victor Orban du mois de janvier dernier qui avait rassemblé 100.000 personnes à Budapest.
Le Jobbik (le meilleur), parti d’extrême droite qui a recueilli 16,7% des voix aux dernières législatives, a organisé plusieurs grandes manifestations pour «défendre» les Hongrois contre les Roms, et l’une de leurs revendications est la création de «territoires tsiganes», en d’autres termes des ghettos. L’extrême droite a obtenu d’un tribunal de Budapest le droit de fêter le 25 août le cinquième anniversaire de la Garde hongroise. Cette milice sans armes, mais en uniforme, a été déclarée illégale par la Cour constitutionnelle en 2009, mais s’est reconstituée depuis. Le Magyar Nemzet, quotidien pro gouvernemental, titrait en référence à la Gay Pride: «Si les pédés peuvent défiler, la Garde aussi».