En mai 2016, des partis Verts et de gauche de la ville de Zürich se sont associés à des organisations turques et kurdes en vue d’un partenariat entre Zürich et la ville d’Amed1-Diyarbakir, dans la région kurde de la Turquie.
A l’automne 2016, le comité d’initiative du partenariat a invité les deux maires de la ville kurde Gültan Kisanak et Firat Anli (membres de la coalition HDP) pour une visite à Zürich. Dix jours après leur retour, ils étaient arrêtés et Diyarbakir mis sous séquestre.
Avec une telle gestion municipale, le partenariat ne pouvait plus continuer. Le comité a donc décidé d’informer sur la répression en Turquie et plus spécialement au nord Kurdistan et d’organiser une solidarité active. Il a constitué des délégations venues de Suisse pour assister aux procès contre Gültan Kisanak et Firat Anli. La première s’est rendue à Diyarbakir le 20 février dernier pour l’ouverture du procès contre Firat Anli et ses 51 co-accusé·e·s.
Communiqué du 22 février
Lundi 20 février, en fin d’après midi, des scènes étonnantes se sont déroulées au tribunal de Diyarbakir. Les avocats de Firat Anli, alors en garde à vue, ont plaidé pour sa libération immédiate ainsi que celle des six co-accusé·e·s emprisonné·e·s. Le juge présent bavardait et blaguait avec le procureur qui, étrangement, était assis sur le banc du juge. Ce comportement était à l’image des audiences qui, pendant toute la journée, ont été empreintes d’arrogance et de mépris de la part des instances plaignantes: d’un côté, un juge et un procureur, représentants du pouvoir d’Etat, en face, des prévenu·e·s accusé·e·s de séparatisme et d’appartenance à une organisation terroriste menacés d’une lourde peine de prison.
Début octobre, Firat Anli et Gültan Kisanak avaient visité Zürich dans le cadre du partenariat Zürich-Amed Diyarbakir. A cette occasion, ils s’étaient entretenu, entre autres, avec la présidente Corine Mauch et différentes organisations à propos des problèmes pratiques de la gestion municipale. Dix jours après leur retour, ils ont été arrêtés et Diyarbakir mise sous séquestre. Depuis, le parlement de la ville ne se réunit plus. Dans toute la Turquie règne l’état d’exception et Sur, la vieille ville de Diyarbakir, s’est vue imposer un couvre-feu. Entre temps, Sur a même été entourée de murs.
La défense et les soutiens sur place supposent que le procès contre Firat Anli – le procès contre Gültan Kisanak n’a pas encore commencé – a pour objet la destitution du gouvernement élu de la ville pour mettre celle-ci sous tutelle.
Firat Anli et Gültan Kisanak ont été emmenés en garde à vue exactement le même jour et à la même heure dans des villes différentes. Les avocats laissaient entendre que ces arrestations coordonnées pourraient suggérer que les deux accusés seraient punis de la même peine, ce qui n’est pas le cas.
A propos de la construction d’une adduction d’eau pour une petite commune de la juridiction de Diyarbakir, le procureur accuse Firat Anli de séparatisme et d’aide à une organisation terroriste (la guérilla du PKK). Parmi d’autres chefs d’inculpation, un cimetière dans lequel sont enterré·e·s les combattant·e·s de la guérilla, un chapiteau qui aurait servi à de la propagande, un générateur fournissant l’énergie électrique ainsi que de l’eau. La défense parle d’un mélange d’éléments divers et sans lien que le procureur a amalgamé pour nourrir des actes d’accusation très graves. Cette construction existe depuis un an et demi mais c’est seulement à l’automne dernier que Firat Anli en a été désigné comme le principal responsable. Il ne nie pas sa responsabilité pour la construction de l’adduction d’eau; au contraire, il était de son devoir de réaliser ce chantier pour la commune qui attend ce branchement depuis des décennies. De même qu’il ne conteste pas le fait de s’engager publiquement pour l’autonomie communale et le fédéralisme pour toutes les communes de Turquie, instruments importants d’une démocratie telle que connaît la Suisse. C’est pourquoi une plainte pour séparatisme est absurde.
A l’issue de la première journée d’audience, la délégation suisse a pris connaissance du verdict du tribunal: une personne exceptée, tou·te·s les prévenu·e·s sont condamné·e·s à la prison préventive et le procès est reporté à la mi-mai. Puisque l’enquête est terminée, ce jugement équivaut à une condamnation anticipée et les prévenu·e·s seront maintenu·e·s en prison sans procès.
La délégation a été impressionnée par le calme des prévenu·e·s et de leurs familles et proches. Depuis de nombreuses années, illes ont l'habitude des manifestations de pouvoir, également d’ordre juridique, de l’Etat turc sans pour autant renier leurs convictions et leurs espoirs. En tant que délégation, nous voulions les assurer de notre solidarité.
Les procès politiques contre des personnes engagées sont actuellement très nombreux. Dans ce contexte, nous demandons au Conseil fédéral, au Département fédéral des Affaires étrangères et aux parlementaires:
- de s’engager pour la libération de Firat Anli et de ses co-prévenu·e·s,
- de garantir le maintien des garanties constitutionnelles en Turquie,
- d’envoyer des missions officielles d'observation aux procès politiques,
- d’observer le déroulement et les résultats du référendum du 12 avril sur la constitution,
- de ne pas effectuer d’expulsions vers la Turquie,
- d’adopter des réglementations généreuses de séjour en Suisse pour les persécuté·e·s politiques.
La délégation Zürich-Amed Diyarbakir*
* La délégation du partenariat Zürich-Amed Diyarbakir se composait de:
Ezgi Akyol, conseillère communale, Zürich, Maja Hess, présidente de Médico-Schweiz International, Urs Sekinger (coordinateur SOLIFONDS) et Ranil Welandagoda (pédadogue). Parmi les membres venu·e·s d’Allemagne, l’ancienne ministre de la jus-tice d’Hanovre était présente.
Pour plus de renseignements:
Ezgi Akyol 41 (0)76 493 25 95
Maja Hess 41 (0)79 731 05 66
Urs Sekinger 41 (0)78 852 92 25
- Amed, nom de Diyarbakir, dans une des langues kurdes.