Alors que les Etats-Unis se préparent et préparent le monde à une guerre qui a de la peine à cacher son intérêt ultime, l’accès au pétrole iraquien, et qu’au Vénézuela un bras de fer oppose une minorité qui contrôle l’exploitation du pétrole à un gouvernement démocratiquement élu qui prétend gérer cette exploitation, un sous-produit du même pétrole, du fuel lourd en l’occurrence, pollue le nord et l’ouest des côtes espagnoles et commence à faire de même en France.
Le 19 novembre 2002, le pétrolier Prestige s’est brisé en deux à 250 kilomètres de la côte espagnole de Galice, et repose depuis à 3.600 mètres de fond. Il transportait 77.000 tonnes de fuel sibérien depuis la Lettonie jusqu’à Singapour. Environ 15.000 tonnes de fuel sont sorties pendant la semaine d’errance (l’accident s’est produit le 13 novembre 2002) pendant laquelle le capitaine s’est fait remorquer au large avec son bateau sur ordre des autorités locales. Depuis, le fuel continue de sortir par les multiples fissures du bateau. Le 10 décembre 2002, on apprend que 125 tonnes sortent chaque jour à nouveau. La population est en colère et réagit: "nunca mas, plus jamais ça!", plusieurs manifestations de dizaines, voire de centaines de milliers de personnes s’organisent, aussi bien en Galice que dans le reste de l’Espagne. On demande la démission des responsables politiques, et une prise en main adéquate de la crise. Des centaines de naufrages ont eu lieu de tous temps dans cette partie de la côte, nommée Côte de la Mort. Cinq marées noires ont déjà souillé ces mêmes côtes ces trente dernières années, mais celle du naufrage du Prestige est de loin la plus grave. Le gouvernement espagnol tente de minimiser la catastrophe et réagit tardivement avec la mise en place d’un service d’aide économique pour les pêcheurs et les aquaculteurs qui reçoivent 40 Euros par jour. Le reste de la population, qui vit indirectement de la pêche, ne touche aucune aide. En ce qui concerne le nettoyage des côtes, des milliers de volontaires arrivés de toute l’Espagne et d’ailleurs se proposent tous les jours et travaillent, au risque de leur santé, avec des moyens très rudimentaires. L’Armée espagnole fait une apparition timide et tardive. Sur 1.064 plages dans les quatre régions concernées, 562 ont été souillées.
La manifestation à Zoug
Samedi 11 janvier 2003, nous étions 600 à Zoug, en Suisse, pour exiger de la société Crown Ressources qu’elle reconnaisse publiquement sa responsabilité dans le naufrage du pétrolier Prestige dont elle est l’affréteur et s’engage à réparer les dégâts. Nous avons aussi demandé à la Ville et au Canton de Zoug d’affecter les impôts, payés et à payer, de la Crown Ressources, aux victimes de la catastrophe. La manifestation était organisée par l’Alternative Socialiste Verte (SGA) de Zoug et par diverses organisations suisses, galiciennes et espagnoles avec le soutien, entre autres, du Forum Civique Européen. Pour l’occasion Antón Carracedo Sacedo, maire de Laxe, un des villages les plus souillés par la marée noire, est venu témoigner. Hanspeter Uster de SGA, Conseiller d’Etat du Canton et Directeur de la Police, a demandé la création d’un code de bonne conduite pour les marchands de pétrole, des navires à double coque et l’interdiction de recourir à des pavillons de complaisance. Les responsabilités dans cette catastrophe ont été désignées: incompétence des gouvernements Autonome galicien et Central espagnol, négligence de l’Union Européenne, irresponsabilité de la compagnie maritime grecque et soif de profit de la société ayant affrété le pétrolier, la Crown Ressources.
Par ailleurs les banques cantonales genevoises et vaudoises ont participé largement au financement de la cargaison du Prestige.
Lourdes Mendes FCE Suisse